Organ Landscapes, vol. 3 et 4 - Bach
©Steffen Geldner & Johannes Schaugg Afficher les détails Masquer les détails Deux coffrets avec livret bilingue (allemand-anglais), 4 CD, durée totale : 115 minutes, 46 secondes (Hambourg) et 138 minutes, 39 secondes (Lüneburg et Altenbruch). Berlin Classics - 2021
Compositeurs
- Johann Sebastian Bach (1685-1750) : voir détail des pistes
Chanteurs/Interprètes
Pistes
- 1.Coffret 53°32'46.0“N 9°59'42.4“E (Hambourg) : Toccata in C, BWV 564 - Toccata
- 2.Adagio
- 3.Fugue
- 4.Wir Christenleut haben jetzund Freud, BWV 1090
- 5.Jesu, meine Freude, BWV 1105
- 6.Herzliebster Jesu, was hast du verbrochen, BWV 1093
- 7.Lamm Gottes, unschuldig, BWV 1095
- 8.Herr Gott, nun schleuß den Himmel auf, BWV 1092
- 9.Capriccio, BWV 993
- 10.Werde munter, mein Gemüte, BWV 1118
- 11.Fuga, BWV 575
- 12.Herr Jesu Christ, du höchstes Gut, BWV 1114
- 13.Durch Adams Fall ist ganz verderbt, BWV 1101
- 14.Aus tiefer Not schrei ich zu Dir, BWV 1099
- 15.Wir glauben all an einen Gott, BWV 1098
- 16.Praeludium and Fugue, BWV 549a : Praeludium
- 17.Fuga
- 18.Toccata, BWV 912a - (Allegro)
- 19.Adagio - (Fuga) - “Con discretione”
- 20.(Fuga)
- 21.Ach Gott, vom Himmel sieh darein, BWV 741
- 22.Herre Gott, dein göttlich Wort, BWV 1110
- 23.Was Gott tut, das ist wohlgetan, BWV 1116
- 24.Gott ist mein Heil, mein Hilf und Trost, BWV 1106
- 25.Valet will ich Dir geben, BWV 735a
- 26.Fuga, BWV 955a
- 27.Alle Menschen müssen sterben, BWV 1117
- 28.Mach mit mir, Gott, nach deiner Güt, BWV 957
- 29.Nun laßt uns den Leib begraben, BWV 1111
- 30.Herzlich lieb hab ich dich, o Herr, BWV 1115
- 31.Prelude and Fugue, BWV 531 - Praeludium
- 32.Fuge
- 33.Coffret 53°14'52.7“N 10°24'47.8“E (Lüneburg et Altenbruch) : Orgelbüchlein - Nun komm, der Heiden Heiland, BWV 599
- 34.Gott durch deine Güte, BWV 600
- 35.Herr Christ, der ein'ge Gottes Sohn, BWV 601
- 36.Lob sei dem allmächtigen Gott, BWV 602
- 37.Puer natus in Bethlehem, BWV 603
- 38.Gelobet seist du, Jesu Christ, BWV 604
- 39.Der Tag, der ist so freudenreich, BWV 605
- 40.Vom Himmel hoch, da komm ich her, BWV 606
- 41.Vom Himmel kam der Engel Schar, BWV 607
- 42.In dulci jubilo, BWV 608
- 43.Lobt Gott, ihr Christen, allzugleich, BWV 609
- 44.Jesu, meine Freude, BWV 610
- 45.Christum wir sollen loben schon, BWV 611
- 46.Wir Christenleut, BWV 612
- 47.Helft mit Gottes Güte preisen, BWV 613
- 48.Das alte Jahr vergangen ist, BWV 614
- 49.In dir ist Freude, BWV 615
- 50.Mit Fried und Freud fahr ich dahin, BWV 616
- 51.Herr Gott, nun schleuß den Himmel auf, BWV 617
- 52.O Lamm Gottes, unschuldig, BWV 618
- 53.Christe, du Lamm Gottes, BWV 619
- 54.Christus, der uns selig macht, BWV 620
- 55.Da Jesus an dem Kreuze stund, BWV 621
- 56.O Mensch, bewein dein Sünde groß, BWV 622
- 57.Wir danken dir, Herr Jesu Christ, BWV 623
- 58.Hilf, Gott, dass mir's gelinge, BWV 624
- 59.Christ lag in Todesbanden, BWV 625
- 60.Jesus Christus, unser Heiland, BWV 626
- 61.Christ ist erstanden, BWV 627
- 62.Erstanden ist der heil'ge Christ, BWV 628
- 63.Erschienen ist der herrliche Tag, BWV 629
- 64.Heut triumphieret Gottes Sohn, BWV 630
- 65.Komm, Gott Schöpfer, Heiliger Geist, BWV 631
- 66.Herr Jesu Christ, dich zu uns wend, BWV 632
- 67.Liebster Jesu, wir sind hier (Distinctius), BWV 633
- 68.Dies sind die heilgen zehn Gebot, BWV 635
- 69.Vater unser im Himmelreich, BWV 636
- 70.Durch Adams Fall ist ganz verderbt, BWV 637
- 71.Es ist das Heil uns kommen her, BWV 638
- 72.Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ, BWV 639
- 73.In dich hab ich gehoffet, Herr, BWV 640
- 74.Wenn wir in höchsten Nöten sein, BWV 641
- 75.Wer nur den lieben Gott lässt walten, BWV 642
- 76.Alle Menschen müssen sterben, BWV 543
- 77.Ach wie nichtig, ach wie flüchtig, BWV 644
- 78.Ach, was soll ich Sünder machen, BWV 770 : Partita I
- 79.Partita II
- 80.Partita III
- 81.Partita IV
- 82.Partita V
- 83.Partita VI
- 84.Partita VII
- 85.Partita VIII
- 86.Partita IX
- 87.Partita X
- 88.Christ, der du bist der helle Tag, BWV 766 : Partita I
- 89.Partita II
- 90.Partita III
- 91.Partita IV
- 92.Partita V
- 93.Partita VI
- 94.Partita VII
- 95.Gott, du frommer Gott, BWV 767 : Partita I
- 96.Partita II
- 97.Partita III
- 98.Partita IV
- 99.Partita V
- 100.Partita VI
- 101.Partita VII
- 102.Partita VIII
- 103.Partita IX
- 104.Sei gegrüßet, Jesu gütig, BWV 768 : Choral
- 105.Variation 1
- 106.Variation 2
- 107.Variation 3
- 108.Variation 4
- 109.Variation 5
- 110.Variation 6
- 111.Variation 7
- 112.Variation 8
- 113.Variation 9
- 114.Variation 10
- 115.Variation 11
Deux nouveaux volumes de l’intégrale de l’œuvre d’orgue de Bach par Jörg HalubekAprès la parution fin 2020 des Chorals de Leipzig et des Variations Canoniques enregistrés à Ansbach, après la Clavierübung III (dite « Messe luthérienne ») à Waltershausen, Jörg Halubek poursuit son voyage dans l’œuvre d’orgue du Cantor qu’on nous promet comme intégrale. Chez un éditeur qui à l’époque d’Eterna, dans les années 1960, avait engrangé une patrimoniale moisson sur des Silbermann « dans leur jus ». Les coordonnées de géolocalisation qui singularisent les titres de cette nouvelle collection indiquent que les deux récents jalons nous situent respectivement devant la Hauptkirche St. Katharinen de Hambourg et, à 43 km au sud-est, devant la Johanniskirche de Lüneburg. Le second album pose aussi ses bagages dans une autre localité de Basse-Saxe : à Altenbruch, moins de cent kilomètres en aval de la ville natale de Brahms, à l’embouchure de l’Elbe.
Le projet annonce dix escales autour de facteurs associés à Bach. L’orgue reconstruit en l’église Sainte-Catherine par la firme néerlandaise Flentrop il y a une dizaine d’années cumule soixante jeux et fédère un programme autour de la manière nordique qui date des années à Lunebourg, du pèlerinage à Lübeck pour admirer Dietrich Buxtehude (1705), et des visites à Hambourg. Le compositeur connaissait cette console tenue par le vénérable Johann Adam Reincken (1643-1722) et y joua ; un célèbre concert incluant le BWV 542 est attesté en 1720. Ce sont d’autres pièces libres que rassemble cet album : les triptyques en ut majeur BWV 564 et ré majeur BWV 912a (version préexistante à la forme pour clavecin), les diptyques BWV 531 et 549a. Alimentent aussi cet enregistrement hambourgeois une moitié des 31 chorals BWV 1090-1120 associés au recueil Neumeister redécouvert dans les années 1980. Le Capriccio BWV 993 dédié au grand frère Johann Christoph figure par erreur sous cote BWV 1092 dans la liste des pistes du CD1. On se satisfait d’entendre cet orgue qui n’avait jusque-là fait l’objet que d’un seul disque entièrement consacré à Bach : la Clavierübung III par Andreas Fischer sur un SACD de 2018 pour l’étiquette MDG.
L’autre album plonge lui-aussi ses racines dans cette ville de Lunebourg où étudia le jeune Johann Sebastian au tournant du XVIIIe siècle. Il a posé ses micros non pas à St. Michaelis (dont l’instrument attend une restauration) mais illustre un autre construit par le même facteur Matthias Dropa en 1712-1715 à l’église St. Johannis sur une base qui remontait au milieu du XVIe siècle et « modernisée » pour le titulaire du lieu, Georg Böhm (1661-1733). On peut se demander si cet instrument de Saint-Jean, qui nous propose ici l’Orgelbüchlein pourtant assimilé à la période de Weimar, s’avère une option optimale : la facture thuringeoise qu’on associerait à ce cycle ne présente-t-elle pas des caractéristiques différentes (une sonorité plus équilibrée, moins épicée, mieux assise sur les fondamentales) que celles adaptées au Stylus Phantasticus ? Les fonds cossus et la plénitude de St. Johannis relèvent pertinemment la gageure, légitimant un choix qui n’est certes pas sans précédent si l’on se rappelle l’Orgelbüchlein gravé par Ullrich Bremsteller chez Motette ou l’ancienne anthologie d’Albert de Klerk (CBS, 1966). Le célèbre Klapmeyer d’Altenbruch restauré par la maison Ahrend documente un autre aspect, bien plus typé, du style septentrional, prêté aux quatre Choralpartiten pour lesquels le livret souligne l’influence de Johann Pachelbel (1653-1706). Un choix de facture là-encore inaccoutumé pour ce répertoire, si l’on excepte le panel de chorals sous les doigts de Michel Chapuis, extrait de sa notoire intégrale chez Valois.

Coffret 53°14'52.7“N 10°24'47.8“E (Lüneburg et Altenbruch) © Steffen Geldner & Johannes Schaugg
Ces Partitas dispensent un jeu vif et lisible qui profite d'une captation sculpturale et transparente, valorisant les timbres abrasifs et boucanés de la console, au gré de registrations judicieuses. Dans le Ach, was soll Ich Sünder machen, on goûte quelques lyriques solistes (Quintadöhn 8’ du Rückpositiv, Gedackt 4’ du Brustwerk), et les deux dernières stations sur les anches. L’acoustique peu réverbérée présente du Sei gegrüsset, Jesu gütig un visage combien distinct de Ton Koopman nimbé dans les échos de l’abbaye d’Ottobeuren (Teldec). Un rapport démystifié, plus proche et orant où la prière se fait volontiers intimiste (la variatio 1 sur la Dulcian 16’) et non moins intense, jusqu’à une dense conclusion en accouplement. À l’instar d’Olivier Vernet à Mérignac (Ligia) qui sur le Guillemin de Saint-Vincent réinventait un Christ, der du bist der helle Tag capté très près du buffet turquoise et or : Jörg Halubek endosse ce ton confidentiel et racé mais sa diction rectiligne ne retrouve peut-être pas la même émouvante imagination qui rayonnait de son confrère vichyssois. Lequel à Chavagnes-en-Paillers fendait l’armure du O Gott, du frommer Gott qu’Hans Vollenweider enrobait dans des succulences melliflues à Saint-Oswald de Zoug (Accord, 1975) ; Jörg Halubek déploie ces variations sur le « Dieu pieux » avec un art très suggestif (la Vox Humana dans la partita 2) et direct. Globalement, ce disque de Choralpartiten convainc d’une main sûre, cernant le charme mélodique de ces pages sincères qui parlent sans détour. Incarnée dans une palette dense et accrocheuse (ces Principaux !), on y salue cette franchise, cette transparence d’intentions qui caractérisaient la superbe lecture de Simon Preston, un sommet de son intégrale chez Deutsche Grammophon.
Jörg Halubek s’honore dans un Orgelbüchlein qu’il réussit sans réserve et qui nous comble, depuis la touchante antichambre du Nun komm, der heiden Heiland. Sur les trois claviers de St. Johannis, les chorals de Noël se parent de leur complet spectre expressif : douceur (Gelobet seist Du), recueillement (Puer natus in Bethlehem, Jesu meine Freude), joie effervescente (Lob sei dem allmächtigen Gott, Der Tag der ist so freudenreich, In dulci jubilo), verbe en démonstration (Christum wir sollen loben schon). On félicitera la scintillante fluidité dévolue au Vom Himmel kam der Engel Schar, la loquacité feutrée accordée au Herr Gott, nun schleuss den Himmel auf, par un organiste qui excelle tant dans la mélancolie du Das alte Jahr vergangen ist que dans l’enthousiasme du In dir ist Freude. La gravité du temps de Carême et Pâques justifie l’emploi du Posaune 32’ pour le sombre Christus, der uns selig macht et bien sûr l’éclatante résurrection (Erstanden ist der heilg’e Christ). Le plus long choral (O Mensch, bewein dein’ Sünde gross) s’épanche sur la voix enivrante de la Sesquialtera et prouve la qualité du cantabile que Jörg Halubek infuse au cœur de la repentance. La texture qu’il invente aux chorals de Pentecôte est particulièrement ingénieuse et dégraissée : le Komm, Gott Schöpfer, heiliger Geist, habituellement abonné aux registrations pachydermiques, se voit délesté par Trommeth 8’ & Octav 4’. Similairement, le Dies sind die heil'gen zehn Gebot clignote de partout et s’anime sans lourdeur, puis le Durch Adam's Fall ist ganz verderbt a la bonne idée de confier la voix grave à l’insinuante Dulzian 16’. Les bouleversants Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (ici confié au velours des Rohrflöte et Blockflöte) et Wenn wir in höchsten Nöten sein (sur la Dulzian 8’ de l’Oberwerk) confirment combien Jörg Halubek signe un témoignage majeur pour l’ensemble du Petit Livre, qui rejoint les grandes références du catalogue discographique.
Face à ce triomphe, dissimulera-t-on notre déception envers l’autre volume ? La prise de son distante, voilée et anémiée de l’ample vaisseau de Sainte-Catherine contraste avec la puissance et la variété des ressources, taxant le panache qu’on attend des pages spectaculaires. La Toccata BWV 564 y perd une part de son élan (2’31, terne départ à la mesure 32) sans abdiquer son aplomb ancré dans le Principal 32’ ni son abyssal contre-ut au pédalier. Mêmes sensations fortes pour le Wir glauben all in einen Gott grondant sur le Posaune en 32’. On se demande si la Fugue BWV 575, parcourue avec une rhétorique un peu morne, n’aurait pas mérité une autre fougue, tel le crépitement de Vernet à Saint-Vincent de Lyon. La registration caviteuse au début du Praeludium BWV 549a n’atteint pas la même profondeur que Bernard Foccroulle à la voisine Jacobikirche (Ricercar), lequel conférait à la Fugue une envolée moins pesante et un dessin plus net, comme si l’interprète allemand se trouvait encombré par les frasques de la résonance et une mécanique inertielle qui brime le vitalisme désirant. S’en dégage une intelligence désabusée, comme rancie par les lignes de Schopenhauer. Et pourtant on apprécie le zèle que Jörg Halubek inculque au Prélude et Fugue en ut majeur, même si les micros en épaississent la trame. Dans un tel écrin translucide, on n’est pas certain que le BWV 912a fasse meilleur effet aux tuyaux qu’au clavecin.
La série des Neumeister, parfois écartée des intégrales, évidemment celles antérieures à leur exhumation, rencontra d’intéressantes interprétations avec Werner Jacob à Arlesheim (EMI) ou Peter Hurford à l’Augustinerkirche de Vienne (Decca) peu après leur redécouverte. Dans l’absolu, on se fiera à Kay Johannsen à Waltershausen (Hännsler), et récemment aux époux Lebrun à Ebersmunster (Monthabor) qui bénéficient d’une flagrante audiophilie à l’appui de leur éloquente lecture. Leur charisme n’est pas l’atout de la proposition de Berlin Classics, desservie par une perspective falote et cotonneuse. Grand dommage car l’éventail de registrations et le soin de Jörg Halubek manifestement inspiré par ce cahier méritaient des conditions plus avenantes. Pas au point de se détourner de ce double-album hambourgeois, mais à choisir on privilégiera l’autre, magnifiquement capté, celui avec la couverture au parapluie : il nous sert un Orgelbüchlein et des Choralpartiten d’un émérite niveau, qui motivent notre attrait pour les futures étapes de cette intégrale bienvenue.
Publié le 11 févr. 2022 par Christophe Steyne