Catharsis - X. Sabata

Catharsis - X. Sabata © Michal Novak Photography
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Gelido in ogni vena

Bien sûr, il faut rapidement passer sur la couverture du CD qui semble viser davantage les amateurs de péplums que les amoureux du baroque... Bien sûr, on s'interroge sur le choix du titre de l'enregistrement, et l'allusion thérapeutique qu'il contient : la catharsis est le processus de délivrance du spectateur de ses passions par la représentation dramatique et exacerbée de celles-ci au théâtre. On peut naturellement appliquer ce phénomène à l'Opéra mais l'auditeur va être inévitablement exigeant et critique puisqu'il lui faudra retrouver un moment de Catharsis dans chacun des airs.

A l'évidence, les airs sélectionnés répondent à cette ambition affichée dès le titre. C'est à un répertoire des passions humaines que nous sommes convoqués. À côté des grands maîtres (Haendel, Vivaldi, Hasse, Caldara) Xavier Sabata nous propose quelques pépites inconnues comme l'Adelaïde d'Orlandini (deux airs) ou les versions de Griselda de Conti et Torri.

Le timbre superbe de contralto de Xavier Sabata saisit l'auditeur dès le premier air et ne le lâche plus jusqu'à la fin de l'écoute. Ce qui est particulièrement frappant chez Sabata, c'est cette beauté du timbre, ce pur velouté, cette aisance souveraine dans le medium et le grave, cette maîtrise du legato. A cela s'ajoute l'expressivité totale de la voix, une sensibilité que l'on sent à fleur de peau et un engagement indéniable dans l'interprétation.

D'une manière générale Armonia Atenea, sous la baguette de George Petrou, livre aussi une prestation exceptionnelle. L'orchestre est nerveux, perpétuellement sous tension et particulièrement coloré. George Petrou assume une âpreté sensible qui révèle ce répertoire. On a rarement entendu des interprétations aussi engagées, aussi novatrices ; c'est d'autant plus remarquable que le programme comporte quelques « scies » et que c'est précisément sur ces morceaux que le travail accompli restitue une émotion rare.

Si l'on apprécie les qualités de Sabata dans les airs de grande virtuosité de l'Adelaide d'Orlandini, c'est néanmoins dans des airs plus intérieurs, plus « doloristes » que je l'ai trouvé le plus émouvant, voire troublant. Au premier chef dans le passionnant récit que nous donne à entendre La conversione di Sant'Agostino de Hasse, tout empli de repentir et d'amour divin. L'extrait d'Admeto de Haendel (Orride larve... Chiudetevi miei lumi) est également saisissant. Sabata y est sublime. Le récitatif est impeccable, servi par une diction remarquable et travaillée. L'arioso est halluciné, hypnotique. Rarement la complicité et l'égalité de vues entre un orchestre et un soliste a été portée à un tel niveau.

Mais c'est bien pour Gelido in ogni vena d'Il Farnace de Vivaldi que cet enregistrement restera (et probablement pour longtemps) un incontournable. Xavier Sabata y est à pleurer, avec des graves naturels amenés sans artifices et avec des transitions de registre quasi imperceptibles. L'orchestre participe totalement de ce travail avec une interprétation mémorable, terrifiante de douleur et de mortelle froideur.

Au delà de la beauté d'une voix et de la solidité d'une technique amplement démontrées, ce qui fait l'intérêt de cet enregistrement c'est la capacité de Sabata à faire passer les émotions dans chaque note. On connaît sa grande présence scénique et ses qualités d'acteur résultant d'un apprentissage au théâtre, mais même privée de cet atout visuel, la voix reste d'une exceptionnelle expressivité. Quand elle est conduite et soutenue par le remarquable travail de Petrou, on tient là des moments d'une très grande intensité.



Publié le 22 mars 2017 par Jean-Luc Izard