Siècle de Lumières - Garzia

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Couleurs et virtuosité du trombone du XVIIIe

Le tromboniste Henri-Michel Garzia propose de mettre à l’honneur le répertoire de de son instrument, le trombone, à l’orée du classicisme. Il défend deux de ses plus fameux concertos et d’intéressantes transcriptions, accompagné par Benjamin Garzia à la tête de l’Ensemble Neophonia.

Grâce à l’amélioration de sa facture au XVIIIe siècle, le trombone suscite la composition de concertos parmi les compositeurs les plus renommés. En cette période effervescente qu’est le siècle des Lumières, les musiciens participant au renouveau de la musique sont particulièrement inspirés par la riche sonorité du trombone. C’est parmi les œuvres de ces contemporains de J. Haydn (1732-1809) et W.A. Mozart (1756-1791), souvent injustement oubliés, qu’Henri-Michel Garzia choisit de partager son interprétation de ce répertoire qui le fascine. Certainement parce que sa vision lui est personnelle et contemporaine, il choisit délibérément de jouer sur instruments modernes : Il préfère jongler entre les couleurs et les timbres du trombone alto et du trombone ténor, plutôt que de chercher une version historique qui perdrait peut-être de son sens dans une interprétation d’aujourd’hui.

L’enregistrement débute par l’unique Concerto pour trombone de Georg Christoph Wagenseil (1715-1777). L’Ensemble Neophonia – orchestre à cordes vraisemblablement créé pour l’occasion –, dirigé par Benjamin Garzia, fait de suite entendre une belle homogénéité du son d’ensemble. Le tempo choisit pour le premier mouvement Adagio semble un rien trop lent, d’où une légère sensation de lourdeur, qui permet toutefois au soliste de mettre en évidence d’intéressantes harmonies et de beaux phrasés qui laissent entrevoir le style galant naissant.

Le hautboïste Alessandro Besozzi (1679-1755) a laissé de nombreux concertos et sonates, essentiellement pour son instrument. Il a néanmoins composé une jolie Sonate en sib majeur pour basson, dont Henri-Michel Garzia nous propose la transcription pour trombone. Celui-ci se montre toujours très propre de son, de conduites de phrase et d’intentions, auxquelles l’orchestre semble très attentif.

Johann Georg Albrechtsberger (1736-1809), proche de Haydn et de Mozart, professeur entre autres de L. van Beethoven (1770-1827), participa grandement à l’évolution du classicisme. Outre ses traités sur la composition, il sut mettre en pratique ses théories, notamment dans son Concerto pour trombone alto. Le traitement mélodique fait effectivement de suite penser au style mozartien, dès l’exposition. Néanmoins, dans le mouvement central Andante, les contrastes restent le fruit d’une opposition soliste / ripieno. L’Ensemble Neophonia fait entendre de belles intentions mélodiques, tandis que le trombone d’Henri-Michel Garzia force l’admiration pour ses le soin de ses aigus. L’attention de l’auditeur est agréablement mise en éveil lors de la cadence, signée Brigitte Garzia-Capdevile, pleine de fraîcheur bien que respectant parfaitement le style de l’œuvre. Le soliste y trouve la liberté de faire preuve, avec une certaine simplicité, de ses talents d’instrumentiste, de sa parfaite maîtrise du souffle et du soin des ornementations.

Le Concerto en fa mineur de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) est un passage obligé pour tout élève tromboniste en conservatoire. Dans la présente et belle version, on y entend de suite le sens de la mélodie unique du compositeur. Si les violons ne semblent pas toujours parfaitement ensembles et pourraient aller plus loin dans la mise en valeur des harmonies expressives de la partition, les effets de réponses en stéréophonie sont très efficaces. La qualité de l’écriture permet au soliste des contrastes plus affirmés tout restant légers, voire élégants. On y apprécie l’équilibre de l’ensemble et de la prise de son, surtout du clavecin qui est présent tout juste comme il le faut. Peut-être les basses pourraient être un rien plus présentes pour gagner en profondeur et en assise.

Pour terminer ce récital, Henri-Michel Garzia invite la soprano Vannina Santoni pour interpréter l’émouvant Fliess o heisser Tränenbach (Débit de larmes chaudes) extrait de l’oratorio Der verurteilte Jesus (Jésus condamné) de Johann Ernst Eberlin (1702-1762), qui fut un des professeurs de W.A. Mozart. Cette pièce est une belle occasion pour le trombone de s’y montrer véritable chanteur, dialoguant harmonieusement avec la rondeur et la clarté du timbre de la soprane, aidée d’un beau et souple vibrato.

Henri-Michel Garzia signe ici de jolies interprétations qui encouragent la poursuite de la découverte du répertoire de compositeurs méconnus du siècle des Lumières dont l’influence inspira pourtant fortement le classicisme, et surtout de son instrument le trombone qui n’a sans doute pas encore dévoilé toutes ses nombreuses richesses.



Publié le 04 mai 2018 par Emmanuel Deroeux