Guillaume Tell - Grétry

Guillaume Tell - Grétry ©Florent Mayolet
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Guillaume Tell en format de poche à Reims

Tyran autoritaire, le gouverneur autrichien Gessler exige toujours plus de ses sujets suisses : plus d'argent, plus d'obéissance et de servilité. Ce soir-là, il impose que chacun se prosterne devant son chapeau planté en haut d'une pique. Le jeune patriote Guillaume Tell refuse. Michel-Jean Sedaine (librettiste) lui donne le choix de mourir ou de se soumettre à une épreuve. Ce soir-là il choisit de se mettre en scène avec Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola, dans un format de poche (une heure trente environ). L’œuvre créée à Paris en pleine période révolutionnaire débute à l’Opéra de Reims dans un décor de campagne tranquille et heureuse. Elle est donnée par les instrumentistes de l'Opéra et la compagnie des Monts du Reuil (qui s’y trouve actuellement en résidence).

Durant l’ouverture et le premier acte, la musique a un peu de mal à se mettre en place, même si l’altiste I tient sa partie avec conviction, et si le hautboïste prend beaucoup de soin à aider les chanteurs. Fort heureusement la claveciniste Hélène Claire-Murgier s’impose durant le reste de la représentation comme le pivot de cet orchestre réduit, en bonne intelligence avec le violon I, à la justesse rigoureuse. Concernant l’adaptation du livret et de la partition au format choisi, on regrettera le caractère un peu lourd et répétitif des reprises chantées des échanges parlés durant l’acte II, qui auraient pu être allégées.

Côté chanteurs, Guillaume Tell est interprété par Benjamin Athanase. Au regard de sa technique vocale et théâtrale, les habits du rôle-titre sont toutefois un peu grands pour lui. Le fils de Tell est incarné par une femme : Jeanne Zaepffel. Si sa présence scénique peut encore gagner en maturité, sa voix révèle d’agréables couleurs. Madame Tell (Laura Baudelet) développe un chant porteur de belles couleurs mélodiques ; en revanche sa diction ne permet pas une bonne compréhension du texte.

Guillaume Gutierrez incarne le rôle du bailli autrichien Melktal avec un tempérament de Don Giovanni (peut-être un clin d’œil au surnom que l’on donne à Grétry : le Mozart français !). Il interprète sa partie chantée avec qualité, et sa présence scénique soutient la structure de la scène, en duo avec la claveciniste.

S’ajoute sur scène la présence de Marti Corbera, danseur, acteur, marionnette, homme aux multiples facettes, gracieux et précis, dont les mouvements animent avec bonheur la représentation et en incarnent le sens narratif : bravo à lui pour sa spectaculaire prestation !

Côté mise en scène, les multiples péripéties virevoltent avec fluidité. Le décor est simple et de bonne tenue, la magie de la lumière (commandée par Pierre Daubigny) remplit son office. Les costumes de Delphine Brouard parfois contemporains parfois d’époque, créent une ambiguïté temporelle, qui confère à cette œuvre de la période révolutionnaire un sens politique plus actuel.

L’opéra s’achève par un mariage, celui du danseur et de Gessler. Cette modification du livret d’origine (où Guillaume Tell, à la tête des paysans suisses, libère la patrie du tyran Melktal et des troupes autrichiennes) doit constituer un apport nécessaire à l’intrigue proposée. Au-delà du simple symbole homo-érotique des deux hommes qui s’embrassent sur scène, son sens est laissé à l’imagination du spectateur : est-ce le mariage du corps et de l’esprit ? Le danseur serait-il celui qui tisse le lien entre les personnages, et Gessler celui qui rencontre l’esprit ? A chacun de deviner...

A travers sa quête des œuvres de Grétry qu’elle permet de redécouvrir, la compagnie des Monts du Reuil montre sa volonté de soutenir une identité musicale marquée (voir également dans ces colonnes le compte-rendu de la représentation de Richard Cœur de Lion, du même compositeur, dans ce même Opéra de Reims en 2018). Ce soir là, et malgré nos quelques réserves, leur ambition a apporté au public rémois le plaisir d’une œuvre distrayante, sortant largement des sentiers battus du répertoire, que celui-ci a saluée par de chaleureux applaudissements.



Publié le 23 mars 2020 par Thomas Malarbet