Rencontre avec Hélène Clerc-Murgier

BaroquiadeS : Bonjour Hélène. Vous êtes à la fois musicienne et romancière, ce qui n’est pas banal – et nous aurons l’occasion d’y revenir. Mais pouvez-vous tout d’abord nous confier ce qui vous a donné le goût de la musique ?

Hélène Clerc-Murgier : ’ai eu la chance de naître dans une famille de musiciens, nous avions un clavecin à la maison. De sorte que j’ai commencé à jouer sur cet instrument, je n’ai appris le piano que plus tard. J’ai suivi des études musicales en Allemagne, puis aux Pays-Bas où j’ai été l’élève de Gustav Leonhardt.

BaroquiadeS : Mais vous êtes revenue en France ?

Hélène Clerc-Murgier : Oui, et j’ai joué avec différents ensembles, notamment l’Ensemble Mattheus de Jean-Christophe Spinosi. J’ai joué dans des opéras de Vivaldi, dont certains étaient tombés dans l’oubli, comme La Verita in Cimento, et aussi Orlando Furioso. C’est dans ces circonstances que j’ai rencontré la violoncelliste Pauline Warnier.

BaroquiadeS : Le début je crois d’une fructueuse collaboration ?

Hélène Clerc-Murgier : Tout à fait. Nous nous sommes interrogées sur la place de la musique française, et nous avons observé que de nombreuses œuvres de la période 1750-1800 demeuraient dans l’oubli. C’est ainsi que nous avons eu envie de monter des œuvres d’André Grétry, un compositeur qui nous touche beaucoup par la qualité de ses mélodies : Raoul Barbe Bleue, Richard Cœur de Lion, Guillaume Tell

BaroquiadeS : Oui, nous avons eu le plaisir de rendre compte du Richard Cœur de Lion dans ces colonnes. Vous avez d’ailleurs je crois créée une compagnie tout spécialement pour explorer ce répertoire ?

Hélène Clerc-Murgier : Oui, nous avons fondé Les Monts du Reuil en 2007, mais l’ensemble n’a véritablement produit de spectacles qu’à partir de 2009 (voir le site). Cette compagnie nous permet de faire travailler ensemble les mêmes musiciens dans la durée, en associant beaucoup de jeunes artistes qui entretiennent ainsi une véritable complicité. La Compagnie a la chance d’être en résidence à l’Opéra de Reims depuis plusieurs années. Ce qui nous attirait dans cette démarche était aussi la présence de textes en français. Appuyés sur des mises en scène ludiques, ceux-ci permettent à un public pas nécessairement mélomane d’apprécier le spectacle. Cette année, nous avions programmé Le Magnifique d’André Grétry, dans une mise en scène de Stephan Grögler, et L’Éclipse Totale de Nicolas Dalayrac (1753 – 1809) dans une mise en scène de Vincent Tavernier.

BaroquiadeS : Malheureusement, la crise sanitaire est venue remettre en cause ces projets...

Hélène Clerc-Murgier : Pour L’Éclipse Totale nous avons pu reporter la création le 17 août prochain à Montreuil sur Mer, au festival Les Malins plaisirs (site : Les Malins Plaisirs). Nous jouerons également à l’auditorium de la BnF le mardi 21 septembre à 18h30, puis à l’Opéra de Reims les 18, 19 et 20 novembre prochain.

BaroquiadeS : Ces opéras ont je crois un point commun avec un autre spectacle que vous avez imaginé pendant la période de confinement, Le Fabulatographe ?

Hélène Clerc-Murgier : Le point commun de ces trois œuvres est Jean de la Fontaine (1621 – 1695), dont on fête cette année les 400 cents ans de la naissance. Le Magnifique est tiré d’un conte licencieux, L’Éclipse totale est tirée de la fable L’Astrologue tombé dans un puits. Le Fabulatographe est un spectacle conçu avec Louison Costes, talentueuse vidéaste et metteuse en scène qui a rejoint la Compagnie il y a presque deux ans. Ensemble, nous avons imaginé un projet un peu fou : des images vidéo sont projetées sur un tulle qui, par les jeux de lumière, est soit opaque soit transparent. Cela permet une véritable interaction de la chanteuse et des musiciens avec la vidéo, créant l’illusion que nous plongeons dans des univers très différents. Pour la musique nous avons utilisé les différents mouvements des Quatre Saisons de Vivaldi, ainsi que Le Chaos de Jean-Féry Rebel, le Grillon de Emmanuel Clerc, et nous terminons avec Les Sauvages des Indes Galantes de Rameau…Nous avons la chance de collaborer avec Jeanne Zaepffel, une jeune soprano avec qui nous travaillons régulièrement. Sous nos yeux, elle fait naître le Printemps ; dans la chaleur de l’Été apparaissent les ombres des musiciennes ; l’Automne nous fait plonger dans un tableau mouvant, où les jeux de perspective créent des illusions surprenantes ; l’Hiver est la partie la plus abstraite du spectacle, magnifique avec des volutes d’encres noires qui dansent sur l’écran… Un autre exemple, dans Le corbeau et le renard, le corbeau est placé sur une partition tandis que le renard dirige l’orchestre.

BaroquiadeS : Une mise en scène peu conventionnelle donc, mais à l’esprit tout à fait baroque... Mais au XVIIIe siècle les fables ont été données en musique ?

Hélène Clerc-Murgier : Oui, nous avons retrouvé des partitions destinées à accompagner certaines fables, elles feront l’objet d’une nouvelle publication. La musique en serait due à Clérambault selon certaines sources. En fait il s’agit plus probablement de musiques populaires à l’origine, utilisées dans les théâtres des foires parisiennes, et orchestrées par Clérambault dans un second temps.

BaroquiadeS : Une production tout à fait originale donc que ce Fabulatographe, qui mêle moyens modernes, textes du XVIIe et musique du XVIIIe… Elle devrait intéresser un large public !

Hélène Clerc-Murgier : Pour l’instant nous avons surtout pu la jouer dans les écoles, où elle a rencontré un vif succès. Il y a quelques semaines nous avons fait un tournage à l’Opéra de Reims et le film réalisé sera diffusé sur différentes plateformes de streaming comme Vialma (nous communiquerons les liens très prochainement). Le spectacle sera joué à Reims, dans la Drôme, à Monaco, Nice, Antibes, Tours... Il sera également donné au Festival Jean de La Fontaine à Château-Thierry, qui a été reporté à l’automne de cette année (voir le détail des dates). Nous envisageons aussi, dans un second temps, une production avec chœur.

BaroquiadeS : Avant de clore cet entretien, évoquons une autre facette de votre production, littéraire cette fois. Vous êtes également romancière ?

Hélène Clerc-Murgier : En effet, j’ai eu l’occasion d’écrire des romans policiers se déroulant au XVIIème siècle, dans lesquels la musique et les musiciens sont assez présents. Il s’agit de Abbesses (publiées en 2013), La Rue du Bout du Monde (publiée en 2016) et L’Affaire Chevreuse (publiée en 2020).

BaroquiadeS : Merci Hélène pour toutes ces informations qui vont inciter nos lecteurs à assister à vos récentes productions, et aussi à se plonger dans vos romans (dont nous retrouverons le détail sur votre site) !



Publié le 25 juin 2021 par Bruno Maury