Concert & Café #2 - Mabire & Ho

Concert & Café #2 - Mabire & Ho © Lionel Hugg
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Le triomphe du cornet

Adrien Mabire explique tout d’abord les difficultés à retrouver le son du cornet dans les années 1960 : il a fallu beaucoup de ténacité aux musiciens qui ont tenté de produire les premiers sons à partir des cornets trouvés dans les musées, à tel point que l’instrument a longtemps été réputé « injouable » ! Le cornettiste nous présente les deux types de cornets existants. Le cornet le plus simple est le cornet muet : il est obtenu directement en évidant au tour à bois une section ronde d’un bois généralement clair, qui recevra ensuite les perces caractéristiques de l’instrument. Il est dit « muet » car le musicien souffle directement dans le corps de l’instrument. Il ne comporte pas d’embouchure, ce qui le différencie du cornet à bouquin, doté d’une courte embouchure, qui augmente sa sonorité. Ce dernier a également la particularité d’être courbe, ce qui impose de le construire à partir de deux pièces de bois collées entre elles, puis revêtues de cuir ou de parchemin pour assurer leur étanchéité. A l’époque de la Renaissance, où l’instrument est né, les formes revêtaient un caractère symbolique fort : le cornet droit symbolise la voix des anges ou la voix humaine ; le cornet à bouquin est l’instrument du diable ou des puissances maléfiques… Autre point singulier : le cornet n’a pas eu de « descendance » dans la famille des instruments. D’abord relégué à la musique religieuse, son emploi a progressivement disparu au XVIIIème siècle ; tandis que le hautbois et la trompette – dont il évoque les sonorités – se perfectionnaient et prenaient sa place.

« Il est dommage que cet instrument soit si peu joué, tant se couleurs sont originales » déplore le cornettiste. Pour nous en convaincre, il nous offre une éclatante démonstration des possibilités de cet instrument. Celle-ci débute avec la Canzon n°3 « La Bernardina » de Frescobaldi. Aux longs sons filés du cornet répondent les cordes moelleuses à souhait du clavecin de Jean-Luc Ho. Le finale s’achève sur des notes « en écho » du cornet tourné vers le fond de l’abside, qui apportent une touche de fantaisie au morceau.Le Nigra sum, extrait des Vêpres à la Vierge, nous montre comment le cornet muet peut remplacer la partie vocale dans une pièce chantée : le son, nettement plus rond que celui du cornet à bouquin, affiche en effet une éloquence qui évoque la voix humaine.

Au clavecin seul, Jean-Luc Ho démontre toute sa dextérité et la fluidité de son jeu dans la fantaisie Re Mi Fa Sol, constitué d’une série de variations sur ces seules notes, exercice fort prisé à la Renaissance et au XVIIème siècle (voir l’avant-dernier paragraphe de notre chronique).

S’ensuit une brillante improvisation pour cornet muet solo, qu’Adrien Mabire agrémente de positions particulièrement expressives, soulignant le caractère puissamment suggestif de l’instrument. Nous retrouvons l’accompagnement du clavecin pour les deux derniers morceaux, une Passacaglia de Diego Ortiz et la transposition pour cornet d’une chanson paillarde (!), tous deux avec le cornet muet.

Le concert est salué par des applaudissements nourris d’un public enthousiaste. En bis, les deux compères reprennent la pièce introductive, à nouveau très applaudie. Les échanges entre le public et les musiciens se poursuivent autour d’un café dans une salle attenante, selon la formule proposée par le Festival. Un concert qui aura fait découvrir à de nombreux spectateurs les sonorités surprenantes du cornet.



Publié le 26 avr. 2024 par Bruno Maury