FugaCité - Concert de l'Hostel Dieu

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Une rencontre entre les cultures

Depuis son ouverture en octobre 2023 dans ses nouveaux locaux, le Centre Culturel Œcuménique La Rayonne (voir le site) a accueilli plus 35 000 spectateurs debout sur de la musique rock, rap, électro, métal... Ce soir, c'est la première fois que le concert bénéficie de gradins. Tous les sièges sont occupés, il ne reste plus une place, le silence s'installe...

Avec ce programme, initialement créé lors du confinement, le Concert de l'Hostel Dieu (voir le site) souhaite croiser les cultures, « mélanger le baroque avec le slam et le hip-hop » (et le beatbox dans une autre configuration). Par le passé cette œuvre avait été présenté lors des Journées Européennes du Patrimoine au Festival d'Ambronay en 2021. BaroquiadeS, spécialiste de la musique baroque, était allé à leur rencontre (voir le compte-rendu de mon confrère).

Pour cette soirée, un invité de marque rejoint la scène : la Cité scolaire René Pellet (voir le site) et ses élèves. Établissement adapté aux adolescents déficients visuels, il propose un parcours pédagogique slam. « Ils sont porteurs d'un handicap... et leur handicap n'est pas une raison pour ne pas faire de la bonne musique... ils sont extraordinaires ! » comme le souligne Franck-Emmanuel Comte (voir la notice). Cette invitation originale et initiée par le Concert de l'Hostel Dieu, la Cité Scolaire René Pellet et le CCO La Rayonne, est tournée vers l'inclusion et la valorisation des talents de ces jeunes. « Une création artistique commune métissée et porteuse de messages forts sur l’interculturalité, l’écoute mutuelle et l’acceptation de l’autre ».


La salle est plongée dans le noir, les voix des élèves résonnent, ils slament. L'un d'eux s'exclame « Un monde où on pourrait croiser un drakkar avec un Viking qui fait du rap ». Ensemble et en rythme : « Eteignez les lumières, allumez vos rêves ». Les adolescents, une dizaine, rejoignent leur chaise sur scène, installées en demi-cercle. Le stress des grandes premières cède rapidement sa place au rythme des percussions. Les jeunes se donnent à cœur joie sur leur tambour sur cadre circulaire (dayereh ou daf). Heureux, ils quittent la salle sous les applaudissements nourris des spectateurs.

S'ensuit une remarquable performance qui fait se rencontrer deux univers. Jérôme Oussou, pantalon crème et chemise blanche, entonne quelques notes au clavecin avant de nous montrer tout son art de la danse hip-hop. Il est rejoint par Aude Walker-Viry (voir la notice) au violoncelle et qui arbore une belle robe jaune comme le soleil. Reynier Guerrero (voir la notice) entre sur scène avec son violon, Franck-Emmanuel Comte rejoint son magnifique clavecin. Avec ses gestes voluptueux, Jérôme Oussou fait danser les œuvres de Farinel, Playford, Purcell, Vivaldi, von Westhoff, tel une vague en perpétuel mouvement. Il est au plus près des musiciens, joue avec eux, tente de leur prendre tantôt leur archet, tantôt leur tabouret. Il se transforme, un temps, en chef d'orchestre. Il est multiforme et évolue à l'image d'un caméléon. La salle est captivée par les notes entremêlées du tempo du danseur. Cette combinaison de talents est des plus agréables à contempler.

Les cordes du violon cèdent leur place au rythme des percussions. David Bruley (voir la notice) entre discrètement sur scène, tel son instrument, une délicate caresse de la main sur ces peaux tendues d'Iran. Le hip-hop laisse la place à Mehdi Krüger (voir la notice) et a son slam puissant. Il mêle son art et son amour des mots à la douceur et la volupté de la musique baroque. Ses paroles naviguent au rythme des notes, elles surfent avec les œuvres de Barrière, Couperin, Monterverdi, Playford ou encore Vivaldi ; elles se glissent sur les panneaux de tissu qui décorent la scène et se parent des images de notre monde... « A croire que le ciel uni ce que la mer sépare, la terre m'entoure, la ciel m'attire, je rêve de me perdre au vent, la vie seule me relie au sol, comme la ficelle d'un cerf-volant ».

Ce somptueux concert a tenu sa promesse : une rencontre entre des cultures, des sensibilités, des talents. Les percussions de David Bruley m'ont ému, la découverte d'un univers sonore magnifique, plein de finesse. La dextérité dont il fait preuve avec le tumbak et le dayereh, la douceur avec laquelle il fait résonner ces instruments est remarquable. J'ai été particulièrement émerveillé par Aude Walker-Viry. Elle maîtrise son violoncelle c'est un fait. Rares sont les musiciens qui chantent en même temps qu'ils jouent. J'ai été stupéfait par sa voix (soprano ?) qui a été une réelle surprise que je souhaite ici mettre à l'honneur. Magnifique !



Publié le 22 févr. 2024 par Dimitri Morel