Giulio Cesare - Haendel

Giulio Cesare - Haendel © Monika-Rittershaus
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Glaces et caramels sur les plages du Nil

Pendant que Bach préparait sa Passion selon Saint Jean pour l’église Saint Nicolas de sa Saxe natale, durant l’hiver 1724, son compatriote et contemporain Haendel (né à seulement 38 jours et 183 km de distance) présentait au King’s Theater londonien son chef-d'œuvre d'amour et de tromperies à la cour d'Égypte. Mais la production de l'Opéra national néerlandais (DNO) de Calixto Bieito, en collaboration avec le Liceo de Barcelone, nous apporte très peu d'Egypte (au moins aux actes I et III), mettant l'accent sur le drame humain, personnifié dans une cage/ temple qui rappelle les origines du Nil à l’acte II, un peu comme on a vu dans sa mise en scène de l’Éliogabale récemment représenté à Zurich ( voir notre chronique).

Emmanuelle Haïm revient pour la quatrième fois sur les grandes scènes à la direction de Giulio Cesare, dirigeant son Concert d'Astrée d’un rythme rafraîchissant, intelligent et confiant. Parmi l’ensemble des chanteurs, il est un peu surprenant d'entendre Christophe Dumaux dans Jules César, au lieu du vilain (Tolomeo) qu’il a si souvent incarné ces dernières années. En fait, sa cavatine Presti omai avait une assez mauvaise acoustique. Mais alors que le feu commençait à s'enflammer sur scène, ses talents vocaux laissaient l'assistance stupéfaite, dans des airs comme Non è si vago.

La Cornelia de Teresa Iervolino était donnée sans tache, son Priva son déclenchant la première salve d'ovations de l’après-midi. Contrairement aux trois autres contre-ténors de cette production, Sesto est chanté par une mezzo, Cecilia Molinari, qui nous a offert un touchant Cara speme, mais une prestation émotionnelle assez fausse sur le duo à la fin de l'acte I Son nata/o a lagrimar.

Côté masculin, Cameron Shahbazi était Tolomeo, l'effeminato amante donnant avec puissance les notes profondes qui colorent le méchant du drame ; et Frederik Bergman incarnait Achille, l'agresseur repenti, soulignant la rage de son personnage dans Tu sei il core.

Un Non disperar très érotique et comique a été chanté par Julie Fuchs humiliant son jeune frère. La soprano a montré un savoir-être très adulte et comique, bien qu’annoncée comme enrhumée juste avant le lever du rideau, lors de la dernière représentation. Evoluant parmi les costumes au couleurs variées, ondulant entre Lidia et Cléopâtre, la jeune chanteuse française nous a donné des cadences fulminantes, au plus pur esprit baroque.

Performance dans la performance, la présence de l'orchestre en scène et la piscine d’hiéroglyphes où un Nireno séducteur lui montre ses acrobaties s’inscrivent dans un décor minimaliste. Une Cléopâtre très humaine complète ainsi un couple passionné convaincant, culminant dans un touchant Piangerò, en caressant la poitrine de Dumaux. Ivre d'amour dans ce qui constitue clairement le clou de la soirée, Fuchs nous amène avec Da tempeste en mode somnambule vers le lieto fine auquel nous aspirions tous.



Publié le 11 févr. 2023 par Pedro Medeiros