Les Animaux du Roi - Château de Versailles

Les Animaux du Roi - Château de Versailles ©Exposition Les Animaux du Roi - Château de Versailles (78)
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Les bêtes, amies des rois !

Versailles ! Lieu iconique s’il en est ! Un château. Un parc. Des hommes. Notre Histoire… qui se conjugue avec celle de nos prédécesseurs, avec celle de nos contemporains. Nous savons tous que Louis XIV (1638-1715) a transformé le relais de chasse de son père, en ce château qui ne cesse de livrer ses beautés. Mais avant Versailles ? « (…) Versailles est le nom d’une famille dont les terres couvraient une partie du département actuel des Yvelines et qui s’éteignit au XVème siècle. (… c’était) alors un petit bourg réputé pour son marché de bovins. (…) Séduit par la région, Henri IV (1553-1610) devenu roi y reviendra fréquemment avec son fils, le jeune Louis. (…) Lorsqu’il succède à son père, Louis XIII (1601-1643) a pris goût à Versailles. Proche de Paris et facile d’accès depuis Saint Germain (… il) décide d’aménager son nouveau domaine. En 1623, il acquiert trois hectares de terre et ordonne la construction d’un petit pavillon de chasse (…) Le 9 mars 1624, Louis XIII couche pour la première fois dans son petit château et Versailles entre dans l’Histoire. » (in La véritable histoire des jardins de Versailles, Jean-Pierre Coffe et Alain baraton, Plon, 2007).

Séjour favori du roi. Parties de chasses, promenades, fêtes et spectacles vont s’y succéder en même temps que l’agrandissement du château et l’achat de terres environnantes. Grand chasseur, Louis XIV « entreprend de créer un écrin forestier afin de permettre au gibier d’évoluer librement. » (ibidem). Puis il décide l’installation d’une ménagerie édifiée en 1663 sur les plans de Louis Le Vau (1612-1670). Au XVIème siècle, ce terme désignait l’endroit où vivent les animaux domestiques, le bétail et la volaille. Cette ménagerie sera construite suffisamment éloignée du château pour en faire un but de promenade. Très rapidement, elle devient un lieu où sont présentées des bêtes rares, des animaux exotiques. Et, de ce fait, elle contribuera à la gloire du roi !


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Veüe et perspective de la Menagerie de Versaille du costé de la porte Royale Adam Perelle 1668-1695, Eau-forte aquarellée© Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin

Par ailleurs, les jardins sont aménagés. Outre les parterres d’eau, ses derniers s’enorgueillissent de nombreux bosquets (de l’italien « boschetto », petit bois) ornés de fontaines, cascades ou grottes abondamment sculptées. Parmi ceux-ci, le bosquet du Labyrinthe : fantaisie et esthétique se doublent ici d’une volonté pédagogique. Les fontaines illustrent, au moyen d’animaux, les fables d’Esope (VIIè-VIè siècle av. JC). 1677. Louis XIV décide d’installer sa cour à Versailles. Les chevaux sont au cœur de la vie royale, auxiliaires indispensables au roi et à ses gentilshommes pour la chasse, les fêtes et les carrousels. Egalement chevaux de trait mais aussi d’attelage (calèches, petits carrosses et traineaux). C’est la naissance des Ecuries royales. Qui dit chasse, dit chiens ! Une centaine d’entre eux dorment au chenil, derrière la Grande Ecurie. Si la plupart des animaux n’entrent pas dans le palais, ce n’est pas le cas de tous, notamment des chiens de compagnie puis, sous le règne de Louis XV (1710-1774), des chats. Nombreux sont les tableaux, les tentures, les sculptures, voire le mobilier qui en témoignent. « A ces animaux qui nous apparaissent familiers s’ajoutaient des oiseaux qui prenaient place dans de somptueuses volières à l’intérieur même du palais ou encore des poules ou des agneaux qui trouvaient refuge sur les terrasses de la cour des Cerfs. Et que dire d’animaux plus sauvages comme des singes, voire les ours apprivoisés de Mme de Montespan. » (Mathieu da Vinha, Vivre à Versailles en 110 questions, édition Tallandier, 2018). Petit détail : les volières étaient parfois installées sur les toits-terrasses du château.

Ces prémices de la présence animale à Versailles étant posées, découvrons l’exposition. L’accès aux salles d’Afrique et de Crimée ne se fait pas selon l’habitude mais en prenant la direction des appartements du roi. Auparavant, en passant devant le vestibule bas de la Chapelle royale, admirons deux groupes sculptés, les Chevaux du soleil (1667/72). Le premier, de Gilles Guérin (1611-1678). Le second, de Gaspard Marsy (1624-1681) et Balthasar Marsy (1628-1674). Commandés en même temps que l’Apollon servi par les nymphes (de François Girardon et Thomas Regnaudin), ils étaient destinés à la Grotte de Téthys alors en cours d’aménagement. Sont sculptés dans le marbre, les « chevaux du quadrige céleste, tout juste dételés et qui goûtent la liberté qui vient de leur être rendue. » Le spectateur qui les regarde peut voir la tête de chacun d’eux. « Sourcils relevés, yeux exorbités, oreilles dressées, crinière en désordre, puissante musculature les rendent particulièrement expressifs. » (in catalogue). Présenté en exergue de l’exposition, ils reviennent à la place qu’ils occupaient jusqu’en 1684 !


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Les chevaux du Soleil, Gaspard Marsy et Balthasar Marsy, marbre, 1667-1672 - Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

A l’entrée, un panneau explicatif. Ainsi qu’un groupe de guides qui se mettent à la disposition des jeunes enfants et de leurs parents afin de leur faire découvrir les originalités de l’exposition. Il s’agit d’évoquer un sujet jamais réellement traité : la présence et le rôle de l’animal à la cour de France, de Louis XIV à la veille de la Révolution. Comme nous venons de l’esquisser, l’animal est omniprésent dans le domaine. Il est même au cœur du projet de Versailles. Animal étudié et collectionné. Animal symbolique et politique. Animal de compagnie et d’agrément.

La reconstitution partielle du Bosquet du Labyrinthe ouvre la visite. Conçu par André Le Nôtre (1613-1700) en 1665, jugé démodé sous le règne de Louis XVI (1754-1792), il est démantelé en 1774 pour laisser place à l’actuel bosquet de la Reine. « On entrera dans le labirinte, et après avoir descendu jusques aux canes et au chien, on remontera pour en sortir du costé de Bachus ». Il s’agit de la sixième étape de l’itinéraire de promenade dans la « Manière de montrer les jardins de Versailles par Louis XIV » (texte d’introduction de Simone Hoog, Editions de la RMN, 1992). Le décor sculpté et l’installation des cabinets de treillages (dont nous avons ici un aperçu reconstitué) s’achève en 1677. Trente-neuf fontaines illustraient les fables d’Esope grâce à des animaux (plus de trois cents) coulés en plomb, peints au naturel. L’eau jaillissait de leur gueule ou de leur bec. Chaque fable était accompagnée d’une morale (court poème peint sur une plaque de plomb insérée dans la fontaine) ce qui permit à Bossuet (1627-1704) d’instruire le Dauphin tout en le divertissant. Chaque animal étant le reflet d’un caractère humain. Le maître d’œuvre de ce bestiaire n’est pas connu. Cependant, il est admis que les sculpteurs ont puisé leur inspiration dans l’observation des animaux de la Ménagerie. Sont présentées ici vingt-et-une sculptures parmi la trentaine rescapée du bosquet. Datées des années 1673/74, elles proviennent de treize fontaines différentes.


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Bosquet du Labyrinthe – Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Ici, le Paon tout de majesté fait la roue. Mais qui n’a plus sa tête ! Le Coq, presque plus vrai que de nature. Le Coq d’Inde (ou dindon) dont on admire la diversité du plumage. Le Loup et la Grue. Le Renard mettant le feu à l’arbre qui supporte le nid des aiglons ou encore le Singe vêtu d’une chemise d’homme. Chacun de ces animaux est accompagné de détails puisés dans le Labyrinthe de Versailles (Charles Perrault et Isaac de Benserade). Il s’agit d’un manuscrit sur vélin enluminé et calligraphié à l’encre dorée, reliure de maroquin rouge (cuir de chèvre de tannage végétal, teint et fini en vue de son utilisation) aux armes et chiffre de Louis XIV. Précieux ouvrage puisqu’il donne des renseignements sur la polychromie de ces animaux. Polychromie quasi effacée au fil du temps. Une gouache de Jean Cotelle (1646-1708), Le Renard et la Grue, le Combat des animaux et la Grue et le Renard, avec Diane et ses Nymphes (vers 1690) figure le centre de la première partie du bosquet, cette douzième fontaine en étant la plus importante. Le peintre s’applique à représenter le lieu avec précision. Mais l’agrémente d’une scène historiée, le premier plan étant peuplé des figures imaginaires de Diane, de ses nymphes, de chiens et d’oiseaux.


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Labyrinthe de Versailles. Gravures de Sébastien Leclerc gouachées par Jacques Bailly, textes calligra¬phiés à l’encre dorée par Nicolas Jarry, Manuscrit sur vélin, reliure en maroquin rouge aux armes et chiffre de Louis XIV, Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris © Tous droits réservés



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Singe chevauchant un bouc et regardant à senestre Pierre Legros, Benoît Massou 1673-1674 Plomb polychrome, fonte Château de Versailles. Dist. RMN © Château de Versailles, Christophe Fouin

Plusieurs tableaux sont également exposés dans cette première partie de la visite. A la demande du Dauphin Louis de France (1729-1765), Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) peint une série de toiles illustrant six fables de Jean de La Fontaine (1621-1695). Le Cerf se mirant dans l’eau symbolise le mythe de Narcisse. La tête de l’animal ainsi que son reflet happent la lumière. Sa ramure est traitée avec minutie. Les deux Chèvres se disputant le passage : sur un pont exigu chacune conteste la préséance à l’autre. Laquelle va tomber la première, se demande-t-on. Les deux Chiens et l’Âne mort : les chiens s’abreuvent à l’eau d’un lac. Un âne mort flotte au loin. Que projettent-ils ?

L’étape suivante est consacrée aux Animaux vedettes. Fond violet des murs. Sont accrochées des toiles nées du pinceau de grands peintres animaliers : Pieter Boel (1622-1674), François Desportes (1661-1743) et bien sûr Jean-Baptiste Oudry. Le premier, d’origine anversoise, fonda l’école française de la peinture animalière. Desportes et Oudry y exercèrent. L’Etude d’une civette et d’un blaireau (Pieter Boel, vers 1668/74) réunit un animal indigène (blaireau reconnaissable aux bandes noires et blanches de son museau) et un animal exotique (civette africaine au pelage tacheté). Deux animaux nocturnes. Plusieurs dessins (pierre noire à rehauts de pastel), de Boel et Desportes, sont consacrés au dromadaire. Ce dernier est l’un des premiers animaux exotiques de la Ménagerie. Sur l’une des feuilles, Boel s’intéresse à la forme de la bosse de l’animal qui a fait l’objet d’une dissection à l’Académie des sciences (1688) suivie d’une discussion sur la différence entre dromadaire et chameau. Le médecin (et frère de l’écrivain) Claude Perrault (1613-1688) en fait la description dans ses « Mémoires pour servir à l’histoire naturelle des animaux » (1671), ouvrage présenté ici. Autre animal, l’ours brun. Deux études. La première (pierre noire avec rehauts de pastel) s’attache à la gueule de l’animal. La seconde, une huile sur toile, présente l’ours dans plusieurs attitudes. Une Etude d’un casoar et d’une corneille blanche (vers 1671/74). Le casoar étant l’un des animaux phares de la Ménagerie. Quelle beauté que la sienne ! Plumage noir, caroncule rouge (petite excroissance charnue de couleur vive située près du bec), cou bleu et casque vert-brun. L’ensemble en opposition à la blancheur du plumage de la corneille. Autre toile, considérée comme le chef d’œuvre de Boel : Etudes d’un porc-épic (vers 1668/1671). Maitrise du pinceau qui évoque « avec quelques rehauts blancs parfaitement maîtrisés toute la beauté et la variété des piquants » (in catalogue).


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Études d’un porc-épic [détail], par Pieter Boel, vers 1668-1671. © Rennes, Musée des Beaux-Arts / © Dist. RMN-Grand Palais / Adélaïde Beaudoin

Même étude (vers 1692/93) chez François Desportes. Sans doute une copie de la toile précédente. Mais il y ajoute un troisième animal, un hocco noir reconnaissable à sa longue crête de plumes ébouriffées qui ornent le capuchon ainsi qu’à son bec jaune vif. Le casoar semble avoir la faveur des peintres car nous le retrouvons sur une autre de ses toiles, Casoar et oiseaux exotiques dans un paysage (1742). Il s’agit d’une commande royale pour deux dessus-de-porte. Le peintre meurt avant d’avoir achevé ceux-ci. Le casoar trône au milieu de la composition, le fond de nuages le mettant encore plus en valeur ! Il est entouré de divers oiseaux dont une cigogne, un grèbe huppé,… Dans un paysage rendu « incongru » par la présence de palmiers. Rappelons que cette association d’oiseaux est artificielle. Il n’y a qu’ici que nous pouvons les voir rassemblés. Même type de « rassemblement ornithologique » au caractère hautement improbable dans la Buse et oiseaux exotiques dans un paysage (vers 1700/05). Nature luxuriante. Sur la gauche, un flamant rose, à l’élégant plumage. Il vole, au casoar, l’attention du spectateur. Dans la luminosité, à droite, une buse aux ailes déployées. Curiosité que cette nature morte en premier plan. Ananas derrière le flamand rose. Pied d’aubergine chargé de fruits et fleurs. Epi de balisier (canna) rouge au centre. Et à nouveau, des palmiers !

Arrêtons-nous sur la toile d’Oudry, Trois chiens et une antilope (1745). Elle sert de jaquette à l’imposant catalogue. Rencontre tout aussi improbable entre l’univers versaillais de la chasse et celui exotique de la Ménagerie ! Trois chiens sur la gauche. Gibier (faisan et canard) suspendu en haut. Antilope en premier plan. Tout est dans la tension entre ces animaux, tension que le peintre saisit à merveille ! « L’image fascine par son caractère irréel résultant (…) aussi de la nonchalance de l’antilope face aux chiens dont les efforts pour l’atteindre sont accentués visuellement par les lignes des cordes tendues qui les retiennent. » (in catalogue).

Au centre de la salle, le Traineau dit « au léopard » (vers 1730/40). Les traineaux présentent un bestiaire qui peut nous paraître étrange, mais toujours merveilleux ! Lors d’hivers rigoureux, Louis XV organisait des courses sur les allées enneigées du parc. Le duc de Luynes raconte dans ses Mémoires que le roi était un formidable meneur conduisant son traineau à toute bride. Un cheval ferré de crampons et richement caparaçonné tirait le traineau. Le gentilhomme qui le menait s’asseyait sur la sellette à l’arrière de la caisse, une dame prenant place sur le siège. En bois sculpté, ils sont peints et dorés. Le léopard impressionne avec sa gueule ouverte, ses yeux exorbités, son corps cambré et le rendu… illusionniste de sa fourrure !


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Le traineau dit au léopard et en arrière-plan le tableau les trois chiens et une antilope. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Le fond bleu de la troisième salle nous accueille pour découvrir les Animaux de la Ménagerie. Ceux-ci forment une collection qui fait l’orgueil du roi. Et, ainsi que nous l’avons déjà dit, un réservoir d’inspiration pour les artistes. Nous retrouvons les peintres précédents. Un dessin et une toile Etude de la tête d’un pélican blanc (vers 1664/65) de Boel qui s’attache à rendre la forme et la texture du bec de l’oiseau. Richesse des coloris du pélican peint sur « un fond gris-bleu lui-même peint sur la préparation ocre habituelle : la blancheur du plumage ressort à côté des accents bleus, orangés et verts du bec et de la poche. » (in catalogue). Egalement une Etude d’un flamand rose (vers 1668/74) : jeu d’arabesques formées par le long cou des oiseaux. Utilisation du même fond pictural qui fait vibrer les tonalités de rose. De Desportes, une huile sur toile Autruche (vers 1690/95). Présente en grand nombre à la Ménagerie, l’autruche est omniprésente dans l’iconographie versaillaise. Nous la retrouvons dans la tenture des Oiseaux de la Ménagerie de Versailles (vers 1684/1711), tapisserie en laine et soie issue de la Manufacture royale de Beauvais. D’autres études : poules, bernaches, pintades. Deux canards de Barbarie (vers 1668/74) reconnaissables à la peau rouge vif qui entoure l’œil. Deux curiosités. D’abord, un Calao Papou naturalisé sur un perchoir en bois, un des derniers témoins de l’exploration du Pacifique par Jean-François de La Pérouse (1741-1788). L’ensemble du corps est noir et la queue d’un blanc presque immaculé. Son bec jaune, impressionnant, est surmonté d’un petit casque composé d’une série de crêtes. Puis, un Plateau de table en marqueterie de marbre et de pierres dures (parangon de marbre) du début du XVIIème siècle acheté aux héritiers du Cardinal de Mazarin (1602-1661) par le roi. Un décor de fleurs, fruits et oiseaux, exotiques ou non, décliné à l’envi.


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La taxidermie du calao papou au premier plan. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Arrivés à la salle suivante, comme tous les visiteurs, nous marquons un léger temps d’arrêt. Quel spectacle ! Nous entrons dans une « forêt » ! Ici ou là, des troncs d’arbres figurés par des poteaux. La frondaison d’un vert sombre invite, dans une ambiance feutrée, à découvrir la Chasse, un rituel monarchique.


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La salle «forêt». Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Activité du roi de guerre en temps de paix, comme il est coutume de dire. Car la chasse est vue, à la fois, comme un entrainement et une manifestation de puissance. Pratique quotidienne pour le roi, elle trouve naturellement sa place dans l’iconographie. Deux bordures de la Galerie des chasses de Louis XV servant de cadre à des tableaux (1736). Attribuées à Jacques Verberckt (1704-1771), l’une encadrait La Chasse à l’ours de Carle Van Loo (1705-1765), l’autre La Chasse du tigre de Nicolas Lancret (1690-1743). Elles offrent un décor sculpté abondant que nous avons tout le loisir de regarder de près. Appartenant au cycle des Chasses exotiques, deux huiles sur toile. La Chasse aux crocodiles (1739) de François Boucher (1703-1770). L’animal en est le motif central, la gueule grande ouverte. Un homme assis, en équilibre, sur son dos tente de la maintenir ouverte à l’aide d’un morceau de bois. La scène se passe sans doute sur le bord du Nil mais… une rotonde grecque voisine avec une pyramide, des palmiers côtoient des conifères ! La Chasse à l’autruche (1738) de Carle van Loo. Brutalité de la scène adoucie par une palette chromatique aux tons chauds. L’animal est au centre, regard agressif. L’étonnante blancheur de son plumage attire l’œil. Ici aussi, équilibre précaire des protagonistes du premier plan. La posture des hommes et des chevaux traduit toute la violence du combat.


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La chasse à l’autruche, 1738, Carle Van Loo, Huile sur toile © Amiens, collection des musées d’Amiens inv.M.P.2004.17.30 - JMB

Une tenture, (Manufacture des Gobelins) appartenant à la série évoquée plus haut : Le Forhu à la fin de la curée d’après un carton d’Oudry. Le forhu est un terme de vénerie qui désigne, à la fois, le son du cor pour le rappel des chiens, l’endroit d’où émane cette sonnerie mais également les intestins du cerf que l’on abandonne aux chiens pour les récompenser. C’est ce dernier moment de la chasse qui est représenté. Paysage sylvestre. Excitation de la meute. Des valets, habillés aux couleurs de la vénerie royale, encadrent la scène.

Au fond de la salle, deux tables dites des Chasses de Louis XV. Le pied de table supporte un plateau de stuc représentant les principales forêts où le roi chassait. La première, dressant le plan de Versailles, la seconde celui de Fontainebleau. Elles encadrent Le Combat des animaux (1738) de Desportes. Dimensions impressionnantes de la toile : 371 cm de hauteur pour une largeur de 388 cm ! Ce tableau fait partie d’une suite de huit grandes scènes de chasses intitulées Nouvelles Indes. Combats d’animaux dans une végétation luxuriante. Au centre, un lion attaquant un tapir par le cou. A droite, un léopard bondissant sur un sanglier. Au premier plan, une lionne saisissant au cou un cerf terrassé sur lequel un chien blanc se tient, la gueule menaçante. A gauche du groupe, un crocodile dévore un bélier. A droite un second chien, couché sous le sanglier, semble blessé. En arrière-plan, deux autruches se font face. Au-dessus d’elles, une mêlée colorée d’oiseaux exotiques s’enfuient. Un grand-duc. Nouvelle incohérence entre les proies et certains prédateurs : animaux exotiques et chiens de chasse !

Un Paravent à cinq feuilles, en laine et damas, (après 1719) de la Manufacture de la Savonnerie. Il n’offre que deux sujets différents, les feuilles 1, 3 et 5 étant « répétées (mettant) en scène un grand-duc, un perroquet et une pie associés à un faisan et un majestueux cacatoès blanc. (…) Ce décor à thème cynégétique évoque les différents types de chasses liées aux oiseaux. » (in catalogue).

Provenant du salon de la comtesse Du Barry (1743-1793) à Fontainebleau, une paire de chenets en bronze doré de Quentin Claude Pitoin ( ?-1777) - Feu au cerf et au sanglier - (1772). Outre ces animaux placés chacun sur un tertre rocheux, les socles s’ornent d’une nature morte de gibier. Plusieurs Etudes de tête de renard (vers 1668/74) de Pieter Boel. Ainsi qu’une huile sur toile. Non peinte sur un fond ocre car les renards sont présentés cerclés de vert ce qui permet de faire ressortir la couleur rousse de leur pelage. De François Desportes, Gibier mort, légumes, fruits et deux chiens (1712). Rapport tendu entre les chiens autour d’un lièvre pendu par les pattes à un fusil, déposé au pied d’un arbre. L’épagneul se dresse sur un amas de gibier mort et montre les crocs. Le lévrier lèche le sang qui s’écoule de la bête morte. Au premier plan, une accumulation de légumes (magnifique choux vert, cardons, carottes) et un panier d’osier contenant pêches et prunes. Un cep de vigne dont les grappes de raisin se mêlent aux branches de l’arbre. A proximité de la sortie de la salle, plusieurs têtes de cerfs. Certaines d’Oudry. Une Tête de cerf sur un mur de pierre (1750) : l’animal vient d’être tué, sa langue pend et ses bois sont encore recouverts de velours. Il semble nous fixer ! Un Bois de cerf bizarre sur fond de planche (1749) : la bizarrerie tient au fait que l’andouiller (ramification en forme de corne qui pousse sur le bois d’un cervidé dont le nombre s’accroît généralement d’une unité chaque été) de droite se réduit à une seule corne alors que celui de gauche en porte six ! Ici aussi, le trophée est peint sur un fond en trompe l’œil fait de planche de bois.


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Tête de cerf bizarre sur un mur de pierre, signé et daté en bas à droite « Peint pour le Roi/par J.B. Oudry/1750 », Jean-Baptiste Oudry. Huile sur toile © Fontainebleau, musée national du château, inv.7064

Intéressons-nous maintenant à l’évocation du Salon octogonal de la Ménagerie (fond ocre). Une vidéo en retrace l’historique grâce à une reconstitution en 3D. Plusieurs points d’attention : elle doit être accessible par la route de St Cyr… être un but de promenade, la vingt-cinquième étape du parcours voulu par Louis XIV : Quand on voudra voir le mesme jour la Ménagerie et Trianon… Différentes cours abritent les animaux… Au centre, un pavillon octogonal avec, au rez-de-chaussée, une grotte artificielle faite de rocailles et coquillages. Puis, à l’étage, un salon au riche décor de peintures. Un balcon permet d’en faire le tour afin d’admirer les animaux. Animaux qui servent de modèle aux peintres. Détruite peu à peu, il n’en reste que quelques vestiges dispersés. Ainsi en est-il des grilles qui ornent l’entrée du pavillon de la Lanterne utilisé comme résidence d’Etat. Mais également la vingtaine de toiles peintes par Nicasius Bernaerts (1620-1678).


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Vue du salon octogonal de la ménagerie/fond ocre. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Sont exposées ici plusieurs peintures : Poules et coqs de diverses espèces dans la Cour des belles poules de la Ménagerie de Versailles (1664/68). Un véritable portrait de chaque gallinacé, portrait placé au-dessus d’une porte vu les dimensions (75 cm de haut sur 175 cm de large). Une pose différente pour chacun d’eux, de trois quarts, de profil ou de face. L’allure est fière. Nous ne pouvons qu’être impressionnés par ce coq au plumage d’un noir profond éclairé par quelques plumes blanches et sa touffe de plume (huppe) jaune qui orne le sommet de la tête et son œil… inquisiteur ! Une Tortue, tableau de format ovale agrandi en rectangle. Placidité de l’animal peint en bord de mer, avec des pêcheurs en arrière-plan. Beauté de la carapace qui capte les reflets de lumière. Une étude de treize animaux, juxtaposition de figures entières et fragmentaires. Principalement biches, cerfs, chèvre et bouc. Même la tortue précitée ! Elle figure également dans une huile sur papier collé sur carton de Desportes, Oies et tortues (1692/93). Retrouvons Boel et le portait tout en majesté de la Grue couronnée (vers 1690/1700) appelée « oiseau royal » à Versailles.


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Grue à aigrette. Etude Pieter Boel (1622/1625-1674), Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojeda

De Desportes, Deux flamants face à face (vers 1692/93) : une peinture qui nous séduit par sa grâce, par le mouvement harmonieux du cou des oiseaux, par la tonalité chaude du rose du plumage. Que dire de son Paon, singe, fruits et bas-relief (1714) ? Une grande toile de 250 cm de haut pour 180 cm de large. Un décor à l’Antique (architecture, sculpture et bas-relief). Au premier plan, un singe vervet, assis la gueule ouverte, touche une grappe des raisins qui tombent en cascade d’un panier. Aspect translucide de baies de raisin et rondeur appétissante des pommes qui jonchent le sol. Une balustrade, traversant la composition dans toute la largeur, arbore de riches bas-reliefs. Elle est recouverte, sur la gauche, d'une épaisse draperie de couleur bordeaux. Un paon au centre. Sa queue majestueuse occupe une grande partie de la composition ! Un ara bleu au bec ouvert, sur la droite. Tous deux sont juchés sur le rebord de cette balustrade et semblent nous observer.

Une éléphante d’Asie, naturalisée. Baptisée Shanti (lors de sa restauration en 2017), elle arrive des Indes en 1773, envoyée par le gouverneur de Chandernagor. Elle vit neuf ans avant de s’évader de son enclos et mourir, accidentellement, dans le Grand Canal. « On sectionna son corps au Jardin du roi à Paris et Georges Cuvier en étudia les ossements. » (in catalogue). Sa peau fut envoyée par Napoléon, en 1805, au Museum d'Histoire naturelle de Pavie où elle fut naturalisée en 1812. L’éléphant attire la curiosité des peintres. En témoignent les esquisses d’une grande précision de Boel. A la sortie, une autre vidéo : un lion d’aujourd’hui quitte la savane pour, progressivement, intégrer des peintures !

Dans le petit couloir qui mène à la salle suivante, le livre de Claude Perrault est ouvert. Regrettons le peu de lisibilité des cartouches explicatives. Entrons dans cette salle toute de rouge tendue et découvrons L’animal comme symbole politique. Un carton préparatoire (pour un décor de l’escalier des Ambassadeurs) de Charles Le Brun (1619-1690) : Python percé de flèches (vers 1674/79). Le peintre dessine un dragon imaginaire, assemblage d’une tête de chien tous crocs dehors, d’un corps de reptile et d’ailes d’oiseau. Trois grosses griffes à chaque patte rendent l’animal encore plus effrayant ! Du même artiste, des « modelli » (étude préparatoire, généralement à une plus petite échelle, d’une œuvre d’art) pour les projets des voussures du salon de la Guerre. Le sujet : la guerre de Hollande (1672-1678). Bellone en fureur, personnification de la guerre. Puis les trois nations défaites, chacune accompagnée de son animal : l’aigle germanique, le lion pour l’Espagne et la Hollande. L’animal devient alors un attribut permettant d’identifier facilement la figure allégorique du centre de la composition. Quatre dessus-de-porte peints, par Jean-Jacques Bachelier (1724-1806), sont consacrés aux Quatre parties du Monde représentées par les Oiseaux qu’elles produisent. A l’origine de forme ovale, deux d’entre eux (l’Europe et l’Asie) ont été mis en rectangle. Il serait fastidieux de les citer tous ! Les oiseaux européens comptent, entre autres, un coq, un héron blanc, un faisan. L’Asie, un faisan doré, un casoar, une grue royale. Sont réunis pour l’Afrique, une pintade et une palette ou spatule. Pour l’Amérique, sont convoqués un ara bleu, un toucan, un coq de roche à crête argentée. De Jean-Baptiste de Champaigne (1631-1681) l’esquisse préparatoire pour Alexandre le Grand offrant des animaux à son professeur Aristote (1672/79) : une brebis, un mouton et des poules, ainsi que des aigles enfermés dans la cage au premier plan. A noter que la version finale voit des changements quant au bestiaire : les animaux domestiques sont devenus exotiques (crocodile, singe, tortue,…)

Allons à la rencontre du Roi et ses chiens. Une vidéo permet la visite virtuelle du pavillon royal de Marly. Sur la captation d’écran, ci-dessous, des niches souvent en chêne ou ébène blanchie avec des moulures dorées ou des marqueteries. Elles étaient garnies de matelas de velours cramoisi à galon d’or.


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Capture d’écran montrant les niches des chiens à Marly. Exposition Les animaux du Roi © Château de Versailles. JMB

A Versailles, la plupart des chiens sont des chiens de chasse. Lors de l’installation de la cour, Jules-Hardouin Mansart (1646-1708) entreprend la construction des Grandes et Petites Ecuries (1679-1682) puis, à l’arrière, du Grand Chenil (1682-1685) permettant aux chevaux et aux chiens de suivre la cour ! Officiers de vénerie et valets de chien y logent également. A noter que les chiens sont séparés en fonction de leur appartenance à telle ou telle meute. Mais d’« autres chiens relèvent de la Chambre et donc de la Maison du Roi » (in catalogue). Ces derniers vivent dans l’appartement intérieur du roi aménagé par Mansart à partir de 1679. Comme son aïeul, Louis XV prend soin des siens, les nourrissant de petits gâteaux parfumés au citron ou à la fleur d’oranger ! Petits gâteaux qu’il convient de confectionner chaque jour ! Le roi connait chacun de ses chiens. En témoigne les noms qu’il leur donne ! Noms qui traduisent le caractère de ceux-ci : Volage, Brillante, Trop Folle mais aussi Conquérant, Furibond ou Cajolant. C’est avec minutie et réalisme que sont peints ces « portraits ». Le nom du chien y apparaît en lettres d’or. Desportes réalise de nombreuses et minutieuses études (accrochées plus loin dans l’exposition) ayant trait à la pose de chiens, en se rendant directement au chenil. Ainsi en est-il de l’étude préparatoire pour Zette et Nonette (1714) : les chiens sont représentés dans diverses attitudes. Ou de ces deux huiles sur toile, Folle et Blonde, deux braques blanches, (1702) qui sont peintes à l’arrêt. On sent la tension dans leur regard. L’artiste s’attache également à rendre le mouvement des oreilles. Ces études de petite taille sont présentées au roi qui sélectionne, alors, la ou les poses qu’il préfère.

A l’encontre, certains sont peints dans un paysage qui, en fait, ne leur sert que de « faire-valoir ». Ainsi, Pompée et Florissant, chiens de Louis XV (1739) de Desportes. Un paysage traversé par une rivière en arrière-plan… deux pieds de bouillon blanc (à la fois mauvaise herbe et plante médicinale) aux feuilles feutrées de blanc au premier plan… au-dessus d’eux, un faisan campé sur la branche d’un chêne lui-même « accompagné » d’un loriot et d’un pic épeiche. « Les quelques touches de rouge et de jaune de ces oiseaux contrastent à peine avec la dominante vert-brun qui met en valeur la blancheur du pelage des deux chiens » (in catalogue). Nous retrouvons Folle et Mite en arrêt devant deux faisans (1702). La pose de Folle est identique à celle de l’huile sur papier où elle figure seule. Les faisans fuient… presque ventre à terre ! Autre portraitiste des chiens du roi : Oudry. Deux huiles sur cuivre (1747), de très petite taille (17 x 22 cm) sont exposées. Deux chiens gardant du gibier mort et Chien d’arrêt sur deux faisans. Ici aussi, les chiens sont croqués « sur le vif ». Les paysages sont presque identiques. Premier tableau : la tension a disparu. Les chiens, dans le calme qui suit la chasse, sont attentifs au butin pour l’un (un lièvre et une perdrix suspendus par une patte à une branche), assoupi pour l’autre. Second tableau : le chien lève deux faisans. Sa pose tendue est caractéristique de ce moment précis où le chien indique au chasseur la présence du gibier.


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Salle à fond rouge avec les chiens de Louis XV et en derrière plan le même à cheval. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Quittons les chiens pour les Chevaux royaux. Le cheval, un fidèle compagnon du roi. Sa présence est récurrente dans les portraits. Sans oublier les statues équestres. Il est symbole de puissance, voire d’autorité. « C’est aussi un symbole du pouvoir, le prestige d’un souverain se mesurant aussi à l’aune de ses équipages » (Alexandre Maral, dossier de l’Art n°293, novembre 2021). Néanmoins, les chevaux réservés au monarque ne forment qu’une petite partie de l’ensemble équin des écuries versaillaises. Nous connaissons tous les statues équestres de Louis XIV qui trônent tant à Paris que Lyon ou Montpellier et, bien sûr, sur la place d’Armes à Versailles ! Et celles de Louis XV à Bordeaux ou encore Paris. Deux bronzes, l’un de 1686, l’autre de 1763, qui sont la réduction de ces statues pour être exposées dans les appartements royaux. Le souverain est vêtu à l’antique, porte le bâton de commandement. Le cheval est au trot. Du peintre suisse, Louis Auguste Brun, dit Brun de Versoix (1758-1815) deux portrait peints vers 1783 : Marie-Antoinette lors d’une chasse à courre et Marie-Antoinette à cheval. Sur le premier, la reine monte en amazone, vêtue d’une robe-redingote et coiffée d’un étonnant chapeau à plume. Sur le second, vêtue d’une culotte masculine, elle chevauche à califourchon… ce qui est assez rare pour l’époque et donna lieux à divers commentaires ! A remarquer, le harnachement de sa monture : un tapis de selle, en peau de léopard, qui est celui de certains officiers hongrois de la cour d’Autriche. Au premier plan sur les deux toiles, une levrette, un épagneul. Au loin des chasseurs. Trois toiles d’Adam-François Van der Meulen (1632-1690) dont l’Etude de cinq chevaux (1670/80) montre la diversité des robes des chevaux du souverain : un alezan, deux pie et deux à la robe blanche… de face, de profil ou de dos. Curiosité que ces quatre peintures dont l’auteur est anonyme. Elles font partie d’une série commandées par le maréchal René de Froulay de Tessé (1648-1725). « Occupant le premier plan, les étalons sont figurés de profil et se détachent sur un arrière-plan de ville (…). Peint sur fond d’or, un simple phylactère, comme ici (…) précise le nom du coursier et de la ville représentée » (in catalogue). Précision anatomique… justesse des postures sauf pour Fin Barbe dont la position est loin d’être naturelle… Soin apporté aux détails précieux des harnachements.

Ces chevaux sont également au cœur des grandes cérémonies royales et des divertissements (dont les carrousels) organisés dans les jardins. Le carrousel, hérité des tournois médiévaux, permet aux cavaliers de se distinguer grâce à leurs talents équestres. Les 28 et 29 mai 1686, est organisé Le Pompeux Carrousel des Galantes Amazones des Quatre Parties du monde. Le thème s’inspire de l’histoire d’Alexandre, ici le Grand Dauphin au centre sur un cheval cabré. La gouache exposée est attribuée à Jean-Baptiste Martin l’Ainé (1659-1735). « Caparaçons et harnais des chevaux empanachés rivalisent avec les somptueux costumes des concurrents, ornés de pierreries, plumes, perles, broderies d’or ou d’argent » (in catalogue).

Un couloir (fond bleu vert) nous permet de faire connaissance des Chats et autres animaux de compagnie. Différents portraits sont accrochés sur notre gauche. Ils ont un point commun : la présence d’un animal même si celui-ci n’y tient qu’une place secondaire. Il n’est pas sujet (comme nous avons pu le voir) mais objet, même s’il est un compagnon apprécié et choyé. Signe d’élégance. Et symbole de la position sociale. « La représentation des animaux de compagnie est intimement liée à la conception artistique du genre du portrait. » (in catalogue). C’est Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans qui nous accueille. Peint vers 1660, ce portrait est attribué à Jean Nocret (1615-1672). La belle-sœur de Louis XIV pose couronnée et vêtue d’un manteau fleurdelisé doublé d’hermine. Sur ses genoux, calé entre ses mains, un épagneul nain, à la robe blanc et feu, dont les oreilles sont percées et ornées de boucles. Race qui porte un autre nom, « king-charles », en référence au roi d’Angleterre, frère de la duchesse. Un portrait de Philippe de France, duc d’Anjou (1683-1746) dû à un pinceau anonyme (copie d’après Pierre Mignard ?) représente le futur roi d’Espagne assis sur un carreau rouge richement brodé. Il tient sur ses genoux, contre sa poitrine, un épagneul nain au pelage noir. Louise-Marie de France (1728-1759) dite Madame Troisième peint par Pierre Gobert (1662-1744) vers 1730/32. Elle est vêtue d’une robe bleue bordée de fine dentelle et coiffée d’un bonnet orné de fleurs. Elle vient d’ouvrir la porte d’une cage d’où s’échappent deux tourterelles. Celles-ci sont symboles de bonheur et porteuses d’espoir. Pour mémoire, la troisième fille de Louis XV naquit peu avant la signature du Traité de Séville (novembre 1729) mettent fin à la guerre anglo-espagnole. La présence de ces oiseaux fait référence à l’apaisement des relations en Europe. Autre portrait (de format ovale) d’enfants en compagnie d’un animal : Les Enfants du comte et de la comtesse d’Artois dû à une main féminine, celle de Anne Rosalie Filleul, née Bocquet (1752-1794). Portrait tout de tendresse. Les deux fils et la fille du couple, réunis dans un paysage, tiennent compagnie à leur épagneul. L’un des garçons caresse la tête du chien. Son frère pose sa main droite sur l’épaule de leur sœur qui, elle, tient l’épagneul sur ses genoux.

Sur la droite du couloir, une composition scénographique associe deux tableaux : un Chien à la jatte (Jean-Baptiste Oudry, vers 1751) et un Chat angora blanc, guettant un papillon (Jean-Jacques Bachelier, 1724-1806). La première peinture est un trompe-l’œil : conçue pour former un devant de cheminée, elle donne l’illusion d’une cheminée vide où s’abrite le chien. Son regard fixe la droite dans l’attente, semble-t-il, de l’arrivée de quelqu’un. A côté de lui, une jatte de porcelaine blanche remplie d’eau. Au-dessus, un chat angora regarde évoluer un papillon. Sa patte gauche esquisse un mouvement pour l’attraper. Ce jeu l’absorbe ! Blancheur éclatante du pelage. Derrière lui, des arbres, un bosquet. Sur le devant, un pied de bouillon blanc.


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Chat angora blanc, guettant un papillon, vers 1761 Jean-Jacques bachelier, Huile sur toile Versailles © musée Lambinet, inv.526 ; et, Chien à la jatte, vers 1751 Jean-Baptiste Oudry Huile sur toile Senlis © musée de la Vénerie, dépôt du musée du Louvre inv.7036. JMB

Au bout du couloir, sur notre droite, dans un renfoncement, un tableau dû à Oudry : Portrait du Général, chat de Louis XV (1728). C’est une œuvre unique, dans la mesure où elle consacre l’entrée quasi officielle du chat à la cour ! Son nom y est inscrit en lettre d’or. Il est représenté dans un décor majestueux fait de colonnades. Son pelage noir est considéré comme une marque de supériorité. Il pose, fièrement, sa patte sur un lièvre mort. Néanmoins cette gloire fut de courte durée. Car Louis XVI n’aimait pas les chats !


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Portrait du Général, chat de Louis XV Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)1728 Huile sur toile Collection Elaine et Alexandre de Bothuri © Tous droits réservés

La vitrine sous le tableau abrite, entre autres, une Plaque en argent qui était fixée sur les colliers des chiens du chenil de Louis XVI. Elle porte l’inscription « Je suis au Roy », inscription entourant une couronne. Des fleurs de lys dans les quatre coins. Les animaux de compagnie disposent à Versailles de coussins, appelés « carreaux », de tripe (étoffe de velours dont l'endroit est de laine et le fond de chanvre et qui sert principalement de tissu d'ameublement) ou de velours généralement cramoisi. Ils sont ornés de galons et de glands d’or comme en témoigne l’huile sur papier collée sur carton peinte par Desportes vers 1692/1700. Les carreaux des chats sont généralement posés sur le manteau des cheminées.

Dans la salle suivante, rencontrons l’Animal précieux. Au centre, plusieurs vitrines rassemblent divers objets d’apparat dont le Fauteuil à la reine du boudoir de Marie-Antoinette exécuté par Georges Jacob (1739-1814) vers 1785. Il est en hêtre sculpté et doré. De ligne générale plutôt stricte, il offre un riche décor où l’animal est présent sous diverses formes. Au sommet du dossier, des cornes d’abondance marquées de têtes d’aigle et de coq. Des pékinois aux accotoirs. Seul le textile (bleu ciel) n’est plus d’origine. Une Pendule dite « aux aiglons » (1787/88) en bronze doré de Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) : socle à imitation de treillage ayant au centre un trophée champêtre. Deux aiglons supportent le mouvement de sonnerie, l’aiglon étant emblématique de la famille des Habsbourg. Des branches de rosiers grimpent le long du mouvement. Un Candélabre, dit de l’Indépendance américaine (bronze ciselé et doré, biscuit de Sèvres et porphyre vert, 1785). Le bestiaire comprend, pour ce qui est des deux premiers niveaux, trois léopards (animal emblème traditionnel de l’Angleterre) enchaînés qui supportent un socle circulaire où trois coqs (symbole de la France) semblent les menacer. Animaux à forte charge symbolique ! Des sirènes soutenant la proue d’un navire pour le troisième niveau. Des têtes de lion (symbole de la force) émergent de la tige centrale. La présence de ces animaux sculptés célèbre la victoire des Etats-Unis, avec le concours de la France, sur l’Angleterre !


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Candélabre de l’Indépendance américaine Pierre-Philippe Thomire (1751-1843)1785 Bronze ciselé et doré, biscuit de Sèvres et porphyre vert © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais. Christophe Fouin

Une Paire de candélabres dits aux « autruches » (1782) du bronzier François Rémond 1747-1812). Magnifique réalisme de la représentation de cet animal phare de la Ménagerie tant pour le plumage que le duvet du cou. Un Chenet au lion du salon de la Paix (1786) : Louis-Simon Bizot (1743-1809) réalise le modèle en cire qui est fondu par Thomire. La représentation anatomique de l’animal est précise : crinière touffue… regard fixe… corps allongé et musclé… boucle de la queue s’achevant par le pinceau de poils. Une paire de Feu aux dromadaires (1777) de Pierre Gouthière (1732-1813). Animaux du désert qui semblent domestiqués comme le laisse à penser leur harnachement. Ils sont couchés. Virtuosité du rendu du pelage.


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Vitrine avec entre autres le fauteuil de Marie-Antoinette. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

L’accrochage aux murs n’est pas en reste ! A commencer par le tableau de Desportes, Aras et perruches (vers 1692/1700), le bleu foncé du mur faisant ressortir les magnifiques couleurs de leur plumage ! Rappelons que le perroquet était apprécié pour la beauté de son plumage mais aussi pour la possibilité de lui apprendre à parler ! A Versailles, on le trouvait tant dans la Volière (seconde cour de la Ménagerie) que dans les appartements du château, auprès des enfants royaux. Dans cette toile, le peintre a ajouté deux perruches à collier et une conure soleil (petit oiseau au pelage à dominante jaune, ici en bas à gauche). Deux toiles de Pieter Boel : Etudes de deux aras (vers 1668/74) présentés sous des angles différentes. De trois quarts et de profil pour le ara bleu, de face et de dos pour le ara tricolore. Tous perchés sur une branche à peine esquissée. De la même époque, Etude d’un ara, ara bleu dans trois positions différentes ainsi qu’une étude de tête. Dernier tableau accroché sur ce mur : Ara, spatule et faisan argenté (vers 1740/45) attribué à Oudry. Le ara au plumage bleu, perché sur une branche, domine un faisan argenté et une spatule blanche. Le paysage ne sert, une fois encore, que de faire-valoir aux animaux.


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Au premier plan les aras et perruches. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Ces oiseaux, ainsi que d’autres, nous les retrouvons sur plusieurs toiles représentant les enfants de la famille royale. A commencer par le superbe Portrait présumé de Mademoiselle de Blois (1666-1739) peint vers 1674 et attribué à Claude Lefèbvre (1632-1675). La jeune fille vêtue de rouge, chaussée de spartiates, est accompagnée d’un ara bleu et d’un petit épagneul. L’épagneul étant l’animal de compagnie le plus apprécié à la cour. Guirlande de fleurs dans ses fins cheveux blonds et bouclés. Fleurs s’échappant de sa jupe qu’elle retient d’une main. Minois riant et yeux brillants. A l’arrière-plan, une scène de promenade dans un jardin où les jets d’eau du bassin pourraient figurer un coin du parc de Versailles. De Pierre Mignard (1612-1695), le Portrait présumé de Louise Marie-Anne de Bourbon, Mademoiselle de Tours, dit La Fillette aux bulles de savon (vers 1681/82). Ici aussi, un épagneul qui fait des efforts pour attirer l’attention de l’enfant. Ici encore, un perroquet le bec ouvert : ses cris ne semblent pas plus attirer la fillette. La fugacité du temps (la fillette meurt peu après) est évoquée par cette bulle de savon sur le point d’éclater et la montre posée sur la table. Son regard «nuancé d’une fine mélancolie » (in Les écrits de Jacques Thuillier, vol. 2, La peinture française au XVIIème siècle, Edition Faton, 2014) s’adresse à celui qui la regarde.

Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842) répond à une commande de Marie-Antoinette et peint, en 1784, le portrait des Enfants de France : Marie-Thérèse Charlotte (1778-1851), dite Madame Royale, et son frère le Dauphin Louis Joseph Xavier François (1781-1789). Assis sur le sol (ou sur ?), ils viennent de découvrir un nid tombé à terre. Un nid avec ses oisillons. Le dauphin en tient un dans sa main gauche, la droite étant délicatement posée sur le bras de sa sœur. Nous retrouvons le pendant du tableau intitulé Madame Troisième (voir plus haut) : Louise-Elisabeth de France (1727-1759), duchesse de Parme et Anne-Henriette de France (1727-1752). Il s’agit des jumelles, filles aînées, du couple royal. Vêtues elles aussi d’une robe bordée de dentelle et coiffées du même bonnet, elles présentent deux symboles de la paix. Un rameau d’olivier pour l’une, une colombe au cou lié par un ruban (afin qu’elle ne puisse s’échapper !) pour l’autre.


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Louise-Elisabeth de France (1727-1759), duchesse de Parme, et Anne-Henriette de France (1727-1752). Pierre Gobert. Huile sur toile ovale © Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon inv. MV.4395. JMB

Toujours de Pierre Gobert, François de Lorraine, futur duc et empereur, à l’âge de quatre ans (1712). A noter que le petit garçon est à la veille de quitter la robe pour « passer aux hommes » (voir notre chronique : Enfants de la Renaissance). Présence d’un chien, tenu par une laisse rouge, et d’un singe assis à ses côtés. Attestant ainsi qu’à Lunéville, la cour ducale de Lorraine était peuplée de divers animaux. Et, de Jean-Baptiste Blin de Fontenay (1653-1715), un Paons, singe vervet, vase et fruits (vers 1700). Une mise en scène aussi somptueuse que dans le tableau de Desportes ! Un vase d’or… deux paons dont l’un déploie ses plumes… des fruits… une draperie de brocart rouge et or… un singe vervet qui s’enfuit.

Versailles contre les animaux-machines. Nous ne quittons pas le fond bleu des murs. Selon René Descartes (1596-1650), les animaux ne sont que des machines n’étant dotés ni d’intelligence ni animés d’émotion. « Le XVIIème siècle est une période sombre pour les animaux. Les théories cartésiennes imposent peu à peu une vision mécaniste du monde et ouvrent un abîme entre l’homme et l’animal. (…) Tous ne partageaient pas cette opinion (…) Les principaux lieux de résistance furent les salons littéraires féminins parisiens, les cercles de certains philosophes des Lumières mais aussi la cour de Versailles. », note Nicolas Milovanovic (in Les carnets de Versailles n° 19, novembre 2021-mars 2022). Claude Perrault s’est résolument opposé à cette vision cartésienne. Grâce aux dissections d’animaux (provenant de la Ménagerie) effectuées à l’Académie royale des sciences, il considère chaque animal comme un être singulier. De son côté, Le Brun confère aux animaux une forme d’intelligence qui permet de les classer. Ses dessins « participent à l’étude de la physionomie, connaissance du caractère par les traits du visage. » (in catalogue ; voir notre chronique : Charles Le Brun – Le peintre du Roi Soleil). La reine Marie Leszczynska (1674-1722) et son cercle se montrent attentifs au monde animal. De par ses fonctions de commandant des gardes-chasse des parcs de Versailles et Marly, Charles-Georges Leroy (1723-1789) a tout le loisir d’observer de près les animaux du domaine royal. « Dans sa lettre VII (il) définit l’instinct animal comme faculté de sentir, de se souvenir et de réfléchir » (in catalogue) appuyant son propos par des exemples concrets comme celui du lièvre expérimenté qui sème le chien qui le poursuit.

Au milieu de la salle, « trône » le Squelette de l’éléphante du Congo de Louis XIV. Cette éléphante fut offerte, en cadeau diplomatique, par le régent du Portugal, en 1668. Elle vécut douze ans à la Ménagerie. A sa mort en janvier 1681, il fut décidé de la disséquer. Evénement auquel assista le roi en personne ! Pour mémoire, un long compte-rendu de cette dissection fut publié en 1733. Assemblé au Jardin du roi, ce squelette est conservé aujourd’hui au Muséum d’Histoire naturelle de Paris.


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Squelette de l’éléphant. Vue de l’exposition © Château de Versailles, Didier Saulnier

Johann Baptist Ruel (1634-1685) dresse le Portrait d’Elisabeth Charlotte d’Orléans, Princesse Palatine (1652-1722) caressant un épagneul nain. Connue pour ses talents d’épistolière, elle est une ardente avocate de la cause animale, passionnée par les petits chiens, en particulier les épagneuls. De son côté, Marie Leszczynska est également très attachée à ses chiens. Sur le portrait peint (vers 1730) par Alexis Simon Belle (1674-1734), une levrette gambade à ses côtés. Son collier porte la mention « Je suis à la Reine ». Une huile sur toile, de petite taille (0,66 x 081 cm), la Lice allaitant ses petits (Oudry, 1754). Ici point de peinture d’Histoire ! Une chienne blanche et ses petits couchés sur du foin. Le tableau traduit le sentiment de la bête : nous lisons dans les yeux de la chienne une attention quasi maternelle. L’humanité d’un regard protecteur. Tout comme l’attitude de l’une de ses pattes qu’elle tient levée sur un de ses petits, sans doute de peur de le blesser. Un faisceau lumineux, venant de l’extérieur, troue l’obscurité éclairant sa tête et le haut de son corps. Parfaite maitrise du clair-obscur !

La dernière, et la plus petite (fond vert foncé), salle traite des Animaux de la ferme. Nous retrouvons Jean-Baptiste Oudry et Marie Leszczynska côte à côte grâce à deux tableaux sur le même thème : La Ferme peint en 1750 par le premier, Une ferme peint en 1753 par la seconde. La reine a une attirance particulière pour la peinture (voir notre chronique : Le goût de Marie Leszczynska). Aussi demande-t-elle à son fils, le Dauphin Louis Ferdinand, de lui prêter le tableau d’Oudry pour en réaliser une copie. L’original et la copie sont exposés pour la première fois côte à côte. Une nature généreuse peint sous un ciel clair. Une chaumière proprette. Des personnages qui vaquent à leurs occupations. Des animaux en nombre : bovins, volaille, ovins qui symbolisent la richesse de la France. En effet, la toile d’Oudry est parfois connue sous le nom de L’Agriculture ou de La France. Et même des pigeons alignés sur le toit ! Vision idyllique, idéalisée à laquelle participent les oiseaux sculptés du cadre.


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La Ferme, 1750 Jean-Baptiste Oudry signé et daté : « J.B. Oudry/ Peintre ordinaire du Roy/1750 ». Huile sur toile © Paris, musée du Louvre, département des Peintures inv.7044 ; et à droite, Une Ferme, 1753 Marie Leszczynska d’après Jean-Baptiste Oudry Huile sur toile © Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon inv. MV 7237. JMB

François-Hubert Drouais (1727-1775) s’est fait une spécialité des portraits d’enfants associés à un animal. En témoigne la toile intitulée Charles Philippe de France, comte d’Artois (1757-1836) et sa sœur Marie Adélaïde Clothilde Xavière de France, dite Madame Clothilde (1759-1802) peinte en 1763. En arrière-plan, un paysage évoquant plus volontiers un décor. Le comte d’Artois tient l’épaule de sa jeune sœur assise, en amazone, sur une chèvre enrubannée de rose. Elle tient contre elle une corbeille de fruits. Son bras droit nonchalamment posé sur la tête de l’animal. Bel exercice d’équilibre !

Divers objets. Un Goblet corne (dépourvu de soucoupe) du service de la laiterie de Rambouillet, issu de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres (1787). L’exemplaire présenté montre, sur une face, une vache faisant téter son veau. Sur l’autre, une chèvre et son petit. Le Baromètre du dauphin, (futur Louis XVI), sculpté sur bois (noyer) par Jean-Joseph Lemaire (1740 ?-1820 ?). « Le cadran du baromètre est intégré à une vaste composition allégorique où l’animal est chargé de tenir un discours symbolique et politique. Ainsi le coq et l’aigle rappellent l’alliance franco-autrichienne (…) La teneur symbolique du discours l’emporte sur les préséances (…) » (in catalogue). Animal de basse-cour par excellence, le coq est en position centrale dominante : il est français et associé à l’héritier du trône ! L’aigle, animal noble, est relégué au registre inférieur, en position latérale.

Nous retrouvons le bosquet du Labyrinthe et la sortie ! Le Traineau dit « à la tortue » (vers 1732) nous attend ! Plusieurs grandes tortues étaient présentes à la Ménagerie. L’une d’elles fut même disséquée en 1699. Ici, il s’agit d’une tortue de mer. La carapace est constituée d’un assemblage de feuilles de cuivre peintes. Superbe brillance des nuances de la laque brune, imitant l’écaille. Carapace qui soutient la caisse richement ornée de feuilles d’acanthe, de palmes et de houx en relief. A l’arrière, servant d’assise au cocher, un dauphin émerge des roseaux. A noter que le décor, s’il est bien conservé, ne reflète plus le raffinement ni l’éclat des couleurs d’origine.

Deux heures de visite… deux heures de découvertes ! Lors de diverses visites, tant à Versailles que dans d’autres musées, en visiteur attentif, nous avions observé, ici ou là, la présence d’un chien, d’un singe, d’un perroquet dans les portraits. Ici, ce sont quelques 300 objets exposés qui font découvrir un bestiaire surprenant. Ils témoignent de l’omniprésence de l’animal à Versailles. Habitants à poils et à plumes se côtoient comme c’était le cas du Grand Siècle à celui des Lumières ! Objets dont certains prêtés par Le Louvre, la BNF ou le musée de la Chasse et de la Nature. Notre chronique a des « lacunes » quant à la présentation de ces œuvres. Tel ce vélin (peau d’un veau mort-né ou âgé de moins de quinze ans) qui permet de connaître le couagga (zèbre d’Afrique australe à la robe brune et aux rayures présentes uniquement à l’avant du corps) de Louis XVI, arrivé à Versailles en 1784. Espèce aujourd’hui disparue dont la taxidermie est présentée dans la Grande Galerie de l’évolution du Museum d’Histoire naturelle...

La scénographie offre un tête à tête, de tous les instants, avec les œuvres exposées. Que dire et redire de la salle consacrée à la chasse et de son ambiance ! Sans oublier l’évocation des lieux disparus. Un catalogue qui n’est pas seulement… un catalogue ! D’un poids impressionnant ! Comme tout ouvrage de la sorte, il répertorie les œuvres présentées (peintures, sculptures, animaux naturalisés, tapisseries, traîneaux, vélins, porcelaines ainsi que des pièces d’orfèvrerie) n’oubliant rien des détails les concernant. Mais il invite, aussi, à connaître plus avant le contexte historique… les anecdotes liées à tel ou tel personnage (l’amour de Louis XIV pour les carpes de ses bassins de Marly, carpes qu’il nourrissait lui-même)… à localiser les vestiges restants telles les auges perdues de la Ménagerie. Bref, nous faire découvrir, en complément de cette exposition inédite, l’omniprésence de l’animal tant dans le domaine qu’à l’intérieur du château. Sans oublier un livret-jeu (pour les 8/12 ans) édité en partenariat avec Paris Mômes.

Les Animaux du roi. Une exposition qui permet de saisir toute l’importance des animaux à la cour ! Laissons le mot de la fin à Laurent Salomé (directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon) : « Dans la grandiose chorégraphie de la cour, des figurants inattendus jouaient un rôle essentiel et c’est ce que révèle cette exposition particulièrement novatrice. »



Publié le 29 janv. 2022 par Jeanne-Marie BOESCH