Organ landscapes, vol. 5 - Bach

Organ landscapes, vol. 5 - Bach © Steffen Geldner, Luis Vidal
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Le somptueux Silbermann du Freiberger Dom, cinquième étape de l’intégrale de l’œuvre d’orgue de Bach par Jörg Halubek

Après avoir posé ses valises à Ansbach (Chorals de Leipzig, Variations Canoniques) à Waltershausen (Clavierübung III), à Hambourg (Hauptkirche St. Katharinen), Jörg Halubek enregistrait à Lüneburg (l’Orgelbüchlein en la Johanniskirche) et à Altenbruch (les Choralpartiten) deux jalons « d’un émérite niveau, qui motivent notre attrait pour les futures étapes de cette intégrale bienvenue », écrivions-nous dans un précédent article daté de février 2022. On regrette que le livret, entièrement voué au splendide instrument de Gottfried Silbermann, ne dise un traître mot des œuvres ni de la confection du programme, qui illustre la période de Weimar et Leipzig. Mentionnons d’ailleurs deux coquilles : la plage 2 du CD2 ne dure pas 8’10 mais 3’15, et la plage 3 correspond au BWV 734 et non 711. Un peu radin en volume (une heure trois quart), le parcours inclut quatre célèbres et amples diptyques en mineur, et une sélection de vingt chorals, dont quatorze des vingt-quatre de la collection Kirnberger.

La somptueuse tribune du Freiberger Dom a souvent été conviée dans la discographie de Bach. Pour mémoire, on consultera l’anthologie gravée par Karl Richter (Archiv) et l’Orgelbüchlein par Robert Köbler (Eterna, 1966), captés avant que le facteur Jehmlich n’adoucisse le tempérament inégal. Plus récemment, citons les intégrales de Pieter van Dijk (volume 4, DMP Records), Masaaki Suzuki (volume 3, BIS), Olivier Vernet (Ligia, CD 11), Clavierübung III par Ton Koopman (Teldec), Wolfgang Rübsam (seconde intégrale, pour Naxos), deux volumes de la troisième intégrale de Marie-Claire Alain (Erato), ou encore les Chorals de Leipzig par Bernard Foccroulle (Ricercar).

La registration privilégie la parcimonie des dosages (Gottes Sohn ist kommen sur la Spitzflöte soliste, Vom Himmel Hoch sur un mélange en creux de Quintadena et sifflet) parfois juxtaposés : Gedackt 8’ et Principal 4’, puis la voix nasillarde de Quintadena et Spitzflöte, pour le tendre Jesus Meine Freude BWV 713. À la sobriété d’un Allen Gott in der Höh répond l’expressivité du Meiner Seele erhebt den Herren, psalmodié sur Vox Humana avec tremblant. Dans l’ensemble, l’organiste a la main légère. Ainsi la Fantaisie en ut mineur : un seul Principal 8’ à chaque plan, seulement velouté par la Rohrflöt et étayé par l’abyssal Untersatz. La Fugue consécutive se contente d’un petit plein-jeu à l’Oberwerk, sur Posaune et couple d’Octava en 8’ et 4’ au pédalier. Après le Praeludium en ut mineur sur claviers accouplés, les mains s’échappent sur le seul Brustwerk. Pour ces deux BWV 537 et BWV 546, on remarquera le choix de tempi contrastés entre chacun des volets : lenteur solennelle pour le Praeludium et la Fantaisie liminaires, creusant les affects, puis allure soutenue pour les Fugues qui suivent. A contrario, le diptyque en mi mineur bénéficie de tempos plus homogènes, animés avec vivacité mais sans hâte ; le contrepoint se trouve aiguisé par les anches (Trompet, Clarin), Cornet, Qvinta, Nassat et Sufflöt 1’, discernant toute l’incisivité centripète de cette magistrale élaboration.

« Un Grand Jeu est vraiment possible sur l’orgue de la Cathédrale de Freiberg, et plusieurs autres registrations du Baroque français y sont également exécutables » atteste l’auteur de la notice, que nous traduisons. On apprécie cette facture dans des chorals tels que Wo soll ich fliehen hin, où la gouaille de la Trompet encourage la vélocité de ce canon éperdu. On l’apprécie bien sûr aussi pour la Pièce d’orgue sur une sorte de plein-jeu acclimaté au lieu, à laquelle le 32’ apporte toute la gravitas souhaitable. Le Krumbhorn avec résonateur d’étain émoustille aussi le Christum wir sollen loben schon d’une manière conforme à l’artisanat du voisin royaume. On saluera la lisibilité accordée au train de doubles-croches de la Toccata « dorienne » en ré mineur, qui évolue pour la Fugue vers une majesté à la fois pesante (Untersatz et Posaune aux pieds) et radieuse, éclairée par Mixtur et Zimbeln irradiant la polyphonie. Plénitude, luminosité, intelligence de l’articulation, souplesse des phrasés résumeraient les vertus de cette nouvelle livraison d’un goût parfait, au sein d’une intégrale qui tient ses promesses.



Publié le 08 avr. 2023 par Christophe Steyne