Louis XV. Passions d'un roi.

Louis XV. Passions d'un roi. ©Exposition Louis XV. Passions d'un roi - Château de Versailles (78000)
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Un roi oublié par l’histoire !

Août 1715 s’achève. Le 25, Louis XIV (né en septembre 1638) demande à recevoir le viatique (communion portée à un mourant) et l’extrême onction que le Cardinal de Rohan (1674-1749), grand aumônier de France, lui administre. Toute la cour défile devant son lit avant qu’il ne délivre ses recommandations à son arrière-petit-fils, le petit dauphin, alors âgé de 5 ans et demi. Le 26, il fait entrer ce dernier pour lui prodiguer ses ultimes instructions: ne pas l’imiter dans son goût pour les arts, vivre en paix avec ses voisins, soulager la misère de ses peuples. Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau (1638-1720) ou Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755) relatent ce moment. Le roi mourant lui dit également : « Vous allez être un grand roi », paroles qui vont considérablement marquer le futur souverain. Le roi meurt le 1er septembre, en tout début de matinée. Un règne de soixante-douze années s’achève !

Suivant les lois du royaume, Louis XIV donne le trône à son arrière-petit-fils qui devient immédiatement Louis XV (1710-1774). A son fils (bâtard légitimé), Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine (1670-1736), il confie l’éducation de l’enfant royal. A son neveu, Philippe duc d’Orléans (1674-1723), la charge de présider le conseil de régence. Une lutte d’influence débute entre ces deux hommes, chacun voulant s’attribuer le titre de Régent. Le 2 septembre, le testament est partiellement cassé d’entente (conclue avant la mort du roi) entre le duc d’Orléans et le Parlement de Paris. Philippe d’Orléans est proclamé Régent du royaume durant la minorité du jeune roi.

Qui est le nouveau roi ? Troisième enfant de Louis de France, duc de Bourgogne puis Dauphin de France (1682-1712), et de Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), il nait le 15 février 1710 à Versailles. Son enfance est marquée par les décès successifs de plusieurs membres de sa famille, dont ses deux parents. Ainsi, d’abord duc d’Anjou, il devient Dauphin de France le 8 mars 1712, tout juste âgé de deux ans ! Il est confié à une gouvernante, Madame de Ventadour (1654-1744), qu’il surnommera « Maman Ventadour ». Il est, parfois, associé à des événements publics aux côtés de son arrière-grand-père. Par exemple, en recevant avec ce dernier l’ambassadeur de Perse (août 1715), Mehemet Reza Bey, dans la Galerie des Glaces. (voir notre chronique Visiteurs de Versailles, janvier 2018).

Après la mort de Louis XIV, la cour quitte le château de Versailles pour les Tuileries. La cour et le roi n’y reviendront que le 15 juin 1722. Le 25 octobre suivant, Louis XV est sacré et couronné à Reims. Mais ne gouvernera pleinement qu’à partir de 1723, année où il atteint sa majorité (fixée à l’époque à 13 ans pour les garçons). En janvier 1722, Marie Anne Victoire (1718-1781), infante d'Espagne est fiancée au roi à qui elle s’ingénie à plaire ! Surnommée l’infante-reine, elle sera cependant renvoyée quatre ans plus tard en Espagne. La santé fragile du jeune roi pousse le duc de Bourbon à rompre les fiançailles afin de chercher à marier le roi adolescent à une princesse pouvant lui assurer au plus tôt une descendance. Il choisit une princesse sans dot ni royaume, Marie Leszczynska (1703-1768), fille du roi de Pologne Stanislas Leszczynski (1677-1766) en exil en Lorraine. Elle est encore célibataire à 22 ans, plus âgée que le roi de 7 ans ! Ils auront dix enfants.

Le cadre familial est posé. Mais que savons-nous de l’éducation reçue ? Que savons-nous de sa personnalité ? Quels sont ses goûts, ses passions ? Quel est son entourage ? Quelle influence a-t-il eu sur les arts alors en vogue ? L’exposition organisée à Versailles tente de répondre à ces questions. Elle nous invite à comprendre ce souverain si méconnu de nos jours. Trois thématiques proposent un chemin pour cette découverte : l’homme privé puis les passions du roi, enfin son rapport avec les arts de son temps.

Montons les escaliers qui mènent aux salles d’Afrique, Crimée et Italie. Un lieu emblématique de presque toutes les grandes expositions versaillaises. C’est un monument à part entière qui nous accueille. Monument à la fois artistique et scientifique. Chef-d'œuvre d'horlogerie et d'ornementation. Une prouesse technique qui demandera trente-six années de travail : La Pendule astronomique. Claude-Siméon Passemant (1702-1769) conçoit le mécanisme que l’horloger du roi, Louis Dauthiau (1730-1809), mettra une douzaine d’années à fabriquer. Août 1749, la pendule est présentée à l’Académie royale des sciences. Puis en septembre 1750, au roi, au château de Choisy-le-Roi. Féru de sciences, le souverain l’achète et commande (1753) un coffre en rocaille. C’est le « sculpteur, fondeur et ciseleur du roi », Jacques Caffieri (1678-1755), qui réalise ce cabinet de bronze doré soutenu par quatre supports imitant des pieds de biche. Janvier 1754, la pendule est installée à Versailles, sur un socle de marbre blanc posé sur le plancher du grand Cabinet du Petit Appartement du roi. L’ensemble mesure 2,26 m de haut et son fonctionnement est programmé jusqu’en 9999 ! « Cet objet remarquable décline simultanément le temps astral, représenté au sommet par un globe terrestre ; le temps horaire grâce à un cadran en porcelaine émaillé doté de quatre aiguilles (heure vraie, heure moyenne, minutes et secondes) ; le temps calendaire avec un mécanisme qui intègre automatiquement les variations mensuelles, tandis que la succession des vingt-neuf décans lunaires est représentée en dessous, sur un fond de ciel étoilé. En période d’éclipse, un cache en argent apparait, précisant si elle sera totale ou partielle » (communiqué de presse, Château de Versailles, 8 décembre 2021). Précisons que le globe en cristal contient une sphère armillaire où figurent les planètes du système solaire alors connues (de Mercure à Saturne) organisées selon le principe de l’héliocentrisme (le soleil est au centre de l’Univers) de Nicolas Copernic (1473-1543). Pour un complément d’information, nous vous renvoyons à l’article du catalogue qui lui est consacré, « Un miracle de la science ? ».


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Claude-Siméon Passemant (1702-1769), ingénieur ; Louis Dauthiau (1713-après 1769), horloger du roi ; Jacques (1678-1755) et Philippe (1714-1774) Caffieri, sculpteurs, fondeurs et ciseleurs. Pendule astronomique de Louis XV, Paris 1749-1753, Bronze ciselé et doré, émail, acier, laiton, cuivre, verre et peinture, H.226cm , L. 83,2 cm , Pr.53 cm © Versailles, musée national des châteaux de Versailles et Trianon, VMB 1037 (Photo JMB)

Après cette entrée en majesté, retrouvons Louis XV « chez lui » (Catherine Pégard). En effet, il est le seul de nos rois à être né et mort à Versailles ! Mise à part la parenthèse des sept années parisiennes.

L’homme privé. Cette première section permet de connaître son enfance, son éducation, son entourage et sa famille.

D’Antoine Coysevox (1640-1720), Louis XV enfant, à l’âge de cinq ans (marbre, 1716). Le sculpteur restitue magnifiquement le visage « sérieux, majestueux, et en même temps le plus joli qu’il fut possible » (Saint-Simon, Mémoires tome XVI).

Une petite enfance faite de drames. « De 1711à 1712, la mort fauche sans retenue la famille royale. Une épidémie foudroyante décime les trois héritiers de Louis XIV en ligne directe » (Hélène Delalex, Les carnets de Versailles n°21, octobre 2022-mars 2023). En peu de temps, il perd son grand-père, le Grand Dauphin (1661-1711), ses parents, son frère aîné, tous emportés par une épidémie de scarlatine infectieuse. Le petit duc d’Anjou devient ainsi le Dauphin. Une suite de cortèges funèbres. Une cour où jeux et divertissements sont désormais proscrits. Un château drapé de noir. Lorsque le petit roi arrive aux Tuileries, à l’hiver 1715, tout est tendu de violet, couleur du grand deuil. Son seul réconfort, la présence de sa gouvernante. Une toile attribuée à Nicolas de Largillière (1656-1746) : Madame de Ventadour avec le roi Louis XIV et ses héritiers (vers 1715). Le roi est assis, entouré de ses héritiers : le Grand Dauphin, vêtu de bleu, s’appuie sur le dossier du fauteuil de son père. Le duc de Bourgogne, vêtu de rouge, se tient debout à sa droite. Le roi dirige sa main droite vers l’enfant, comme pour le désigner à son futur rôle (l’épidémie n’est donc plus qu’un souvenir) ! Le jeune duc d’Anjou est encore habillé d’une robe ainsi que le veut la coutume « avant de passer aux hommes » (voir notre chronique Enfants de la Renaissance du 4 juillet 2019). La gouvernante retient l’enfant par un cordon d’or. Il est coutume de dire qu’elle tient « les rênes de sa charge ». Madame de Ventadour est vêtue de noir et coiffée « à la fontange » (édifice à plusieurs étages composé de fils d’archal, sur lesquels était placée une série de dentelles empesées et séparées par des rubans ornés de boucles de cheveux qui les recouvraient entièrement). Derrière elle, une corbeille de fruits ainsi qu’une potiche vernissée. Deux chiens : au premier plan, un épagneul qui veut jouer avec la balle que tient le jeune duc. Au second plan, un bull-terrier. Deux bustes royaux : à gauche, celui d’Henri IV (1553-1610), à droite celui de Louis XIII (1601-1643).

Autre toile : Madame Mercier entourée de sa famille (1731) de Jacques Dumont, dit Dumont le Romain (1701-1781). Une toile de grande envergure : 225 cm de haut pour 380 cm de large ! Mais là n’est pas sa seule singularité. Il s’agit d’un portrait collectif d’une famille issue de la bourgeoisie parisienne. Madame Mercier était la nourrice du futur roi qui lui garda son affection et donc ses faveurs ! Les époux Mercier sont entourés de leurs huit enfants. Mme Mercier est assise tenant, non sans un certain orgueil, une effigie en buste de Louis XV. Précision dans le rendu des traits des personnages, dans celui de leurs vêtements (voir la photo du détail des bas brodés du personnage, de dos, en rouge, sur le devant).


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Jacques Dumont (1701-1781) dit Dumont le Romain, Madame mercier entourée de sa famille (détail), Huile sur toile, H.225 cm, L.380cm ; signé et daté en bas à gauche : J. Dumont. Pinxit 1731 © Paris, musée du Louvre, département des peintures, RF 511 (Photo JMB)

A proximité. Diverses reliures en maroquin noir concernant les oraisons funèbres des parents du roi. Plusieurs eaux-fortes et burin représentant le catafalque ou le convoi funèbre de Louis XIV. L’acte de baptême du jeune roi en date du 8 mars 1712.

Le Testament de Louis XIV, manuscrit autographe rédigé sur sept feuillets, scellés de sept cachets. Daté du 2 août 1714, il fixe l’avenir du royaume et organise sa succession. Nicolas Lancret (1690-1743) peint Le lit de Justice tenu au Parlement à la majorité de Louis XV (22 février 1723). Le roi atteint sa majorité le jour de ses treize ans révolus et la régence de Philippe d’Orléans prend officiellement fin. Le peintre évoque avec précision la grande chambre du Parlement qui siège dans le palais de la Cité : retable du XVème siècle sur la droite, plafond médiéval à clefs pendantes. Trône royal installé dans un angle, au fond de la pièce. Louis XV est entouré, comme il se doit, des princes du sang et des hauts représentants du clergé. Avec un « petit plus » : une évocation de la vie mondaine parisienne ! Des jeunes femmes qui conversent avec des petits-maîtres.

De l’entourage du roi, deux portraits. Philippe d’Orléans, Régent et Marie-Madeleine de La Vieuville, comtesse Parabère, peints (peu avant sa mort ?) par Jean-Baptiste Santerre (1651-1717). Le régent est vêtu d’une armure d’apparat barrée du grand cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit. Une main tenant le gouvernail de l’Etat et l’autre sur l’orbe (boule d'or surmontée d'une croix, figurant l'idée selon laquelle le monarque est le représentant de Dieu sur Terre) fleurdelisée. A ses côtés, de trois-quarts, sa maîtresse représentée en Minerve. De François-Albert Stiémart (1680-1740), André-Hercule, cardinal de Fleury (1728). Louis XIV avait choisi son aumônier, l’évêque de Fréjus, André-Hercule de Fleury (1653-1743) pour exercer la fonction de précepteur du Dauphin. En 1726, il devint Principal ministre, sans toutefois en porter le titre. Sa tâche : réparer les finances désastreuses du pays. Mais il dut se résoudre à engager la France dans la guerre de Succession de Pologne (1733-1738) et d’Autriche (1740-1748). Représenté à mi-corps, il est assis dans un fauteuil richement décoré (feuilles d’acanthes sur l’accoudoir). Richesse du décor où une draperie de brocard et velours s’enroule autour d’une colonne. On devine une table, sur la droite, qui supporte quelques lettres, un nécessaire à écriture et cinq livres. Le cardinal croise ses mains sur sa barrette (toque carrée à trois ou quatre cornes, pouvant se replier et s'aplatir, qui sert de coiffure aux ecclésiastiques ; elle est rouge pour les cardinaux). Magnifique rendu des étoffes : soie rouge de la cappa magna (grande cape rouge qui fait partie de l'habit cérémoniel), hermine du camail (courte pèlerine, boutonnée sur le devant et portée sur la soutane), dentelle des manches de la soutane.

Une petite curiosité (58,7 cm de haut sur 67,5 cm de large, hors cadre). Un Tableau mécanique : L’Education de Louis XV (La Leçon de danse). Attribué au père Sébastien (né Jean) Truchet (1657-1729). Un tableau mouvant (vers 1720) constitué de quatre huiles sur cuivre représentant les activités ayant trait à l’éducation de Louis XV aux Tuileries. Une sorte de petit théâtre où les tableaux se dévoilent les uns après les autres. Les leçons de danse, d’escrime, de sciences et de chasse. « De part et d’autre du cadre décoré de scènes de trophées en grisaille symbolisant les diverses activités représentées, deux putti soulèvent les pans d’un lourd rideau. L’œuvre a conservé son cadre d’origine en bois doré entièrement sculpté, orné d’un décor (…) composé d’un réseau d’arabesques légères mêlés de palmettes, fleurons et coquilles » (catalogue). Plusieurs Versions latines rédigées par Louis XV. Maîtrise du latin mais aussi intérêt pour l’histoire de France. Leçons de morale et réflexions historiques s’entremêlent. Lors de son séjour parisien, un atelier d’imprimerie fut créé au sein du palais des Tuileries. Des presses royales qui permirent au roi de mettre par écrit diverses notions tout en s’initiant à la typographie. Dont ce recueil, Cours des principaux fleuves et rivières de l’Europe composé et imprimé par Louis XV, roi de France et de Navarre, en 1718.

Dès 1715, le Régent demande à Hyacinthe Rigaud (1659-1743) un portrait de Louis XV, roi de France. (voir notre chronique Hyacinthe Rigaud du 13 juin 2021). Un décor de convention où le drapé de velours cramoisi forme un dais au-dessus du trône sur lequel est assis l’enfant... en grand costume royal ! Trône lui-même placé sur une estrade couverte d’un riche tapis de la Savonnerie. De petite taille, il pose ses pieds sur un coussin de velours bleu fleurdelisé. Comme il s’agit d’un portrait officiel, le prieur de l’abbaye de Saint-Denis a prêté les regalia. Manteau de cérémonie de velours bleu, semé de fleurs de lys d’or, doublé d’hermine. Collet orné du collier de l’ordre du Saint-Esprit. Sceptre que Louis tient de sa main droite. Couronne et main de justice posées à ses côtés. Le jeune roi regarde sur sa gauche, visage souriant.


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Hyacinthe Rigaud (1659-1743) Louis, Rois de France, 1715-1717, huile sur toile, H.190,5 cm, L. 136 cm ; Signé et daté en bas à droite, sur le socle de la colonne : Fait par hyac./Rigaud/ En spet./1715 © Versailles, musée national de Versailles et de Trianon, MV 3695 (Photo JMB)

Le sacre marque la fin de l’enfance et, dit-on, le début du pouvoir personnel. Or ce 25 octobre 1722, le roi n’a que onze ans ! Comment organiser une telle cérémonie qui n’a plus eu lieu depuis le sacre de Louis XIV ? Afin de pallier au manque d’iconographie, une suite d’estampes est réalisée permettant de documenter l’événement. Est exposé un exemplaire gravé par Antoine Danchet (1671-1748) figurant les différentes phases de la cérémonie. A proximité, la Couronne de Louis XV. Comme ses prédécesseurs, Louis XV est sacré avec la couronne dite « de Charlemagne ». Celle-ci disparait pendant la Révolution. L’habitude voulait qu’on exécute une autre couronne. L’archevêque de Reims en ceint le souverain qui la porte généralement pendant le festin qui suit. Cette couronne, plus légère, fut l’une des plus riches jamais réalisées. Elle est exposée, à une différence près : après le sacre, elle fut garnie de pierres en fac-similés afin d’en conserver la mémoire. Les pierres d’origine furent volées en 1792 et non retrouvées.


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Augustin Duflos (vers 1700-1771) et Claude6Laurent Rondé ( ?-1723) Couronne de Louis XV, Paris 1722, Argent partiellement doré, fac-similé en cristal de roche (diamants) et verre (rubis, émeraudes, saphirs, topazes, perles), satin brodé ; H.24 cm, D. 22cm © Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, MS 61

Où il est question de mariage ! Celui-ci s’inscrit dans la tradition des mariages espagnols prônant l’alliance des Bourbons et des Habsbourg. Nous l’avons vu précédemment, la France et l’Espagne conviennent d’un double mariage : Louis XV avec Marie-Anne-Victoire, fille du roi d’Espagne, Philippe V. Louis, héritier du trône espagnol, obtient la main de la fille du régent, Louise-Elisabeth. L’échange des princesses a lieu le 9 janvier 1722. Jean-François de Troy (1679-1752) peint, en 1723, le Double Portrait de Louis XV et de Marie-Anne-Victoire, infante d’Espagne. Le roi, âgé de treize ans, est debout, vêtu d’un habit gris et bas rouges. Derrière lui, le trône sur lequel sont posés le sceptre et la couronne. Il tient la main de sa fiancée, assise sur un fauteuil (un trône ?). Celle-ci pose sa main sur une seconde couronne. Le ton de sa robe est en accord avec le vêtement du roi. Quant à Nicolas de Largillière, il exécute, en 1724, le portrait officiel de la princesse, âgée de six ans. Majesté (froideur ?) du décor. Robe grise aux reflets mordorés. Attributs régaliens. Visage mutin de la petite fille malgré un teint des plus pâles.

Mais cette convention matrimoniale pose un problème d’importance : l’âge des promis ! Surtout qu’en février 1725, le roi tombe malade. S’il vient à mourir, la couronne passe à la branche d’Orléans. Ce que le duc de Bourbon, premier ministre, ne souhaite pas ! Jugée trop jeune pour avoir des enfants, la princesse est renvoyée en Espagne ! Il convient alors de se mettre en quête d’une reine qui pourrait donner immédiatement un héritier à la couronne. Dans le couloir qui mène à la salle suivante, sont exposés divers documents concernant cette recherche méthodique. Un Estat général des princesses en Europe qui ne sont pas mariées (vers 1723). Une Liste des princesses de l’Europe qui ne sont pas mariées, depuis environ 14 ans jusques a 20 ou 22 (15 mars 1725). Au regard de leur nom, figurent toutes sortes de détails : santé, statut social ou financier, religion, alliances diplomatiques,… Le nom de Marie Leszczynska y apparait. « La princesse, catholique, réputée discrète et pieuse, est donc préférée à des partis plus brillants » (catalogue). Est exposé le registre des mariages de la paroisse catholique de la cathédrale de Strasbourg en date du 15 août 1725 : Acte de mariage par procuration du roi Louis XV et de la reine Marie Leszczynska. Ainsi que le portrait qu’en fit Jean-Marc Nattier (1685-1766). Le célèbre portrait où elle apparait en habit de ville de velours rouge (voir notre chronique Le goût de Marie Leszczynska du 5 décembre 2019).

La salle suivante expose, sur fond jaune, des portraits. Sur la gauche, la progéniture royale. En face, les petits-enfants et leurs conjoints. Petit rappel. De 1727 à 1737, naissent dix enfants (dont des jumelles) donnant au pays l’assurance de la continuité dynastique et cela malgré la mort d’une fille et celle du second fils. Louis XV est un père attaché à ses enfants. « (…) Je le vis jouer et causer avec tous ses enfants, où il est charmant, étant le meilleur papa du monde. Il est attendrissant de le voir tirailler et caresser par toute la petite jeunesse et d’en voir sa satisfaction. » (Journal du duc de Croÿ (1718-1784) tome II). C’est au pinceau de Jean-Marc Nattier que nous devons les portraits de Mesdames.


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accrochage de portraits, Jean-Marc Nattier ((1685-1766) ; dans l’ordre, de haut en bas : Marie Josèphe de Saxe puis les filles de France, Madame Adélaïde, Madame Victoire, Madame Sophie et Madame Louise © Versailles, musée national de Versailles et de Trianon ; V.2012.20 ; MV 8544 ; MV 4428 ; MV 3819 ; MV 4458 (Photo JMB)

Pour ce qui concerne les cadettes, Victoire (1733-1799), Sophie (1734-1782), Félicité et Louise (1737-1787), elles furent envoyées à l’abbaye de Fontevrault à la demande du cardinal de Fleury, soucieux d’éviter aux finances du royaume le coût de l’entretien d’une Maison royale pour chacune d’elles. Seule les aînées demeurent à la cour. 1747. Ne les ayant pas vues depuis de nombreuses années, le roi demande au peintre leur portrait. Nattier associe chaque princesse à des fleurs : dans une corbeille, dans un vase, en guirlande sur la robe ou piquées dans les cheveux. Regard doux et franc. Touches de lumière. Eclats des robes brodées d’argent ou d’or. Chevelure généralement poudrée. Rouge de la bouche et des pommettes.

Après leur retour, elles vivent dans l’aile du Midi. Suite au décès d’Henriette (1727 -1752), Adélaïde (1732-1800) et Victoire déménagent au plus près de leur père, dans le corps central du château. Elles demeurent célibataires. Seule l’aînée se marie : Elisabeth-Louise (1727-1759) épouse un fils du roi d’Espagne. Quant à Louise, elle entre au Carmel en 1770. Anecdote : aux prénoms de ses filles, Louis XV substitue un surnom affectueux, parfois cruel ! Victoire sera Coche, Adélaïde Loque, Sophie Graille et Louise Chiffe. Avec le temps, les moments d’intimité, entre père et filles, se font plus nombreux. Le roi prend même l’habitude d’une visite quasi quotidienne.

Et le Dauphin ? Nous faisons sa connaissance grâce à un buste posthume (1776, marbre) sorti de l’atelier d’Augustin Pajou (1730-1809), Louis-Ferdinand de France. Il nait en 1729, après trois filles ! Et s’éteint, en 1765, à trente-six ans des suites d’une tuberculose pulmonaire. Sa vie durant, il conserve une distance respectueuse avec le roi. Si le Dauphin fait montre d’enthousiasme à la suite de la victoire que remporte le roi à Fontenoy (11 mais 1745) dans les Pays-Bas autrichiens (guerre de Succession d’Autriche), leurs rapports se tendent après la présentation officielle à la cour de la marquise de Pompadour. Chef du parti dévot malgré lui, avec l’aide de ses sœurs, il va se dresser contre son père. Une guerre quasi quotidienne. Il faut dire que Mesdames surveillent de près favorites et maîtresses royales. Personne n’a oublié le terme peu courtois dont elles affublent Mme de Pompadour : « maman putain » ! Son caractère austère est à l’aune de son opposition à son père. Il n’aime rien de ce qui passionne Louis XV. Ni chasse à courre. Ni jeux. Ni spectacle, bien qu’on lui reconnaisse assez de goût pour la musique. Il n’est associé que tardivement aux affaires : en 1750, il entre au Conseil des dépêches puis, après l’attentat de Damiens (1757), au Conseil d’en-haut.

Marie-Josèphe de Saxe en marmotte (huile sur toile de Nattier, 1750/51). Fille de l’Electeur de Saxe, elle devient la seconde épouse du Dauphin en février 1747. Cheveux poudrés, joues fardées, Marie-Josèphe a la tête couverte d’une marmotte, sorte de fichu noué sous le menton. Particulièrement uni le couple delphinal a huit enfants. Parmi eux, le duc de Berry (Louis XVI en 1774), le comte de Provence (Louis XVIII en 1814) et le comte d’Artois (Charles X en 1824). Leurs portraits, ainsi que ceux de leurs épouses, sont également exposés. A leur côté, deux toises en cuivre doré qui mesurent 89 cm de haut. Ainsi qu’une silhouette dessinée sur le mur (voir photo). La Toise de Louis-Ferdinand, dauphin (vers 1730) flanquée d’une couronne delphinale. Y est gravée la date où fut prise chaque mesure. Elle servit entre les six et quinze ans de l’enfant. La Toise de Louis, duc de Bourgogne (vers 1755) ornée d’une couronne ducale. Il n’y figure que deux dates (1er juillet 1758 et 1er juillet 1759) avec une indication de taille entre celles-ci : 3 pieds 8 pouces ½, soit 1,19 mètre.


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silhouette et mensurations © Versailles, musée national de Versailles et de Trianon (photo JMB)

Louis XV eut-il des amis ? Questions difficiles dans la mesure où nous ne possédons pas d’écrits de sa main hormis les lettres écrites à son petit-fils l’infant de Parme qu’il n’avait… jamais vu ! Quel fut son cercle intime ? Des courtisans conviés « dans le petit intérieur » pour l’agrément de leur compagnie. Peut-être Joseph-Marie de Boufflers (1706-1747) peint par Nattier ? Représenté à mi-corps, il porte l’armure barrée du cordon bleu de l’ordre de Saint-Louis. Visage fin, aux pommettes légèrement colorées contrastant avec les couleurs froides de l’armure. Son rôle : « celui d’un militaire qui fut de la plupart des batailles (du) règne » (catalogue). Depuis son enfance, le souverain cherche la compagnie féminine. Nous l’avons évoqué. Sa nourrice, sa gouvernante ou encore Madame Victoire-Sophie de Noailles, comtesse de Toulouse (1688-1766) représentée en Flore dans le portrait attribué à Jean-Louis Voille (1744-1829) d’après une toile de Charles-Antoine Coypel (1694-1752).

« Le roi s’ennuie, un être isolé au milieu de la foule et pour qui la foule n’est personne. » selon le duc de Croÿ qui ajoute que c’est « l’homme du royaume le plus difficile à amuser ». La reine lui ayant fermé la porte de sa chambre après dix enfants en dix ans, le roi va découvrir auprès de Mme de Mailly, de la princesse de Condé ou de la maréchale d’Estrées « une liberté de ton et des gestes qu’il n’a jamais connu. C’est par leur intermédiaire et avec leurs encouragements qu’il aurait pris du goût pour le vin de Champagne et entamé une liaison avec la comtesse de Mailly (1717-1744) dame d’atour de la reine » (catalogue). Marie-Anne de Mailly-Nesle, marquise de la Tournelle, duchesse de Châteauroux, en Point du jour, huile sur toile (vers 1740/44) de Nattier. Tête surmontée d’une étoile, torche de l’Aurore dans la main gauche, elle dispense la rosée matinale contenue dans une aiguière. Velouté des chairs dans une gamme chromatique habituelle chez l’artiste (bleus de toutes sortes, blanc, gris perlés).

1744. Le roi se porte au secours de l’Alsace (guerre de Succession d’Autriche) mais tombe malade à Metz. Marie-Anne lui prodigue des soins attentifs… au grand dam de l’entourage royal. L’évêque de Soissons exige du malade une amende honorable. Et publique ! Une contrition royale qui sera lue dans toutes les paroisses du royaume. De retour à Paris, le roi fait revenir sa maîtresse auprès de lui. Mais elle meurt avant même d’avoir pu regagner Versailles.

Jeanne-Antoinette Lenormant d’Étiolles, née Poisson (1721-1764), rencontre Louis XV à Versailles en 1745. Elle est invitée au grand bal masqué donné pour le mariage du dauphin Louis-Ferdinand. Le roi s’éprend d’elle et l’installe la même année au château de Versailles. En juillet, il lui offre le domaine de Pompadour. La favorite devient marquise. Elle est officiellement présentée à la cour en septembre 1745. Rapidement, les critiques fusent, se moquant de ses origines bourgeoises. Quelques années plus tard, elle cesse d’être la maîtresse du roi mais conserve une grande influence sur lui. Installée depuis 1751 au rez-de-chaussée du corps central, elle passe du statut de maîtresse à celui de confidente. « Elle était dépositaire des secrets de son (le roi) âme, ce n’était pas une maitresse à renvoyer, c’était une amie qui ne pouvait être remplacée par personne » (cardinal de Bernis, 1715-1794, Mémoires tome I, janvier 1757). Et d’ajouter : « Le roi n’avait plus de passion pour elle depuis plusieurs années ; il ne lui restait plus que de l’amitié, de la confiance, et ce lien de l’habitude qui, chez les princes, est le plus fort de tous ».

Elle exerce, désormais, un rôle artistique d’importance. Elle encourage, en 1751, la publication des deux premiers tomes de l’Encyclopédie de Diderot (1713-1784) et d’Alembert (1717-1783). En 1756, elle impulse la création de la Manufacture de porcelaine de Sèvres. Favorise l’aménagement de la place Louis XV (actuelle place de la Concorde). Convainc le souverain de faire édifier le Petit Trianon. En 1753, Louis XV lui achète l’hôtel d’Évreux, aujourd’hui palais de l’Élysée, pour ses séjours parisiens.

Sous son égide, l’art de la glyptique (art de la gravure des pierres fines, comprenant la taille et la sculpture en creux ou en relief) connaît son âge d’or. Sont ici présentés une série de Camés et intailles. Généralement exécutés par Jacques Guay (1711-1793). Parmi eux, le Camée : « Génie cultivant un laurier » (agate-onyx, monture argent doré) ou le Camée : « La naissance du duc de Bourgogne » (niccolo : agate onyx dont le fond noir est recouvert d'une couche blanche - monture argent et argent doré). Ils peuvent être sertis, formant alors le médaillon central d’un bracelet à rangs de perles. Ou le Camée : « Portrait de Louis XV » (grenat, monture argent doré). Même sujet, pour un camée travaillé par la marquise elle-même (agate-onyx monté en bague (or). Enfin le cachet privé de la marquise « petit prisme de topaze d’un jaune lumineux, (qui) présente trois faces gravées d’après des dessins de Boucher (allégories de l’amour et l’amitié) où s’enlacent les initiales L et P (Louis et Pompadour) » (catalogue).

Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785) représente Madame de Pompadour en Amitié (1753). Statue de marbre que la marquise met au cœur de son château de Bellevue. La tête en est son véritable portrait si l’on se réfère au buste que le sculpteur avait exécuté deux ans auparavant. L’artiste se conforme à l’iconographie traditionnelle : elle est vêtue d’une simple robe, la poitrine découverte, les bras nus. Elle pose sa main droite sur son cœur. A ses pieds, des fleurs de toutes les saisons car l’Amitié fleurit tout au long de la vie. Plus avant dans l’exposition, un tableau (1764/65) de François-Hubert Drouais (1727-1775) : Madame de Pompadour à son métier à broder. Assise sur un canapé, la marquise porte une robe, dite à la française, à semi de grosses fleurs, garnie de dentelles et de nœuds rayés (voir notre chronique A la mode du 11 janvier 2022). Une femme simple qui travaille à son métier à broder, symbole de vertu domestique. L’espace d’un instant, elle le délaisse pour nous regarder. A l’entour, livres, instruments de musique, portfolio de dessins. A ses côté, un de ses épagneuls King-Charles.


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Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785) Madame de Pompadour en Amitié, 1753, marbre ; H.166,5 cm, L.62,8 cm, Pr.55,5 cm ; inscriptions : sur le tronc d’arbre, au revers : J-B Pigalle fecit/1753 ; sur plinthe devant : Mme DE POMPADOUR © Paris, musée du Louvre , département des Sculptures , RF 3026

Le roi cherche de nouveaux remèdes à sa mélancolie. Il multiplie les passades. Ce sont les amours éphémères. Ceux que la postérité, la légende garde en souvenir sous le vocable du Parc aux Cerfs ! De petites maîtresses logées dans des maisons discrètes à proximité du château, justement dans le quartier du Parc aux Cerfs (actuel Quartier Saint-Louis). Leur temps achevé, elles sont gratifiées d’importantes sommes d’argent. En témoignent des documents d’archives. Exposées ici, celles dont a bénéficié Marie-Louise O’Murphy (1737-1814). Modèle de François Boucher (1703-1770) pour L’Odalisque (1743, voir notre chronique L’empire des sens du 13 juillet 2021), elle est « repérée » par Dominique-Guillaume Lebel (1696-1768), Premier valet de chambre du roi qui est chargé de lui trouver des petites maîtresses jeunes, belles et de basse condition. Un Bon du roi, pour une somme de 12 000 livres allouée à Marie-Louise O’Murphy de Boisfailly, épouse François Lenormand, en date de 1772. Ainsi qu’un Récapitulatif des sommes allouées par le Trésor royal à Marie-Louise O’Murphy, épouse Le Normant, en date de 1781. En 1790 paraît un pamphlet : Le Parc aux Cerfs, ou l’Origine de l’affreux déficit écrit par un secrétaire aux Affaires étrangères, Louis-Gabriel Bourdon (1741-1795). Il est question des dépenses considérables occasionnées par l’entretien de ces maisons et des rentes accordées à ces jeunes filles. L’auteur évoque également les impôts et les édits bursaux (déclarations visant à faire entrer de l'argent dans le trésor de l’État au moyen de la création d'offices et de nouvelles impositions) permettant de couvrir le déficit de l’Etat creusé par ces dépenses.

Entre 1764 et 1768, plusieurs décès dans l’entourage royal : Mme de Pompadour… le Dauphin, son fils unique… la reine. Louis XV est un homme d’une profonde mélancolie lorsque le duc de Richelieu (1696-1788) lui présente Jeanne Bécu, future comtesse du Barry (1743-1793). Très séduisante, blonde avec d'épaisses boucles dorées et des yeux bleus en forme d'amande, le roi en tombe amoureux ! Elle sera sa maîtresse et favorite jusqu’à sa mort. Drouais peint à plusieurs reprises la comtesse, dont la grande huile sur toile (207 cm de haut sur 143 cm de large) exposée. La favorite est de face assise sur ce qui semble être un lit de repos recouvert d’un drapé rose. Elle est peinte sous les traits d’une Muse des arts : une lyre de sa main droite, une guirlande de fleurs dans la gauche, une palette de peintre et un buste au premier plan, un livre. Cheveux poudrés. Tunique de soie blanche agrémentée d’une ceinture bleue à franges dorées. Elle esquisse un sourire légèrement narquois. « Drouais a représenté deux femmes aux destins parallèles mais aux personnalités distinctes qui ont marqué de manière singulière le règne de louis XV, illustrant par la même occasion deux facettes de l’art du temps » (Géraldine Bidault, magasine Château de Versailles n°47, octobre-décembre 2022).

Une salle ronde. Un fond rose poudre. Trois magnifiques statues sur le thème de l’amour. D’Etienne-Maurice Falconnet (1716-1791), L’Amour, dit L’Amour menaçant (vers 1757). « Le doigt posé sur ses lèvres, Cupidon s’apprête à tirer une flèche de son carquois afin d’enflammer le monde » (catalogue). De Louis-Claude Vassé (1717-1772), L’Amour assis sur le bord de la mer, rassemblant les colombes du char de Vénus (1755). Iconographie rare. Finesse de la tête aux cheveux noués en tresse sur la nuque. Légèreté de la plume pour les ailes. Délicatesse des sandales. Carquois au sol. Deux colombes, oiseaux favoris de la déesse. De Jacques Saly(1717-1776), L’Amour essayant une de ses flèches (1753). L’Amour enfant tient la flèche de sa main droite, le bras appuyé sur un tronc. Il pose l’index de la main gauche sur la pointe de l’arme (pour vérifier ce qu’elle peut produire comme effet ?). Virtuosité de l’exécution. Chair potelée du petit dieu. Mèches ondulantes des cheveux. Sourire délicat. Carquois garni de flèches. Ornements (des fleurs) du tronc. Sans oublier le piédestal (de Jacques Verberckt, 1704-1771) aux guirlandes de fleurs finement sculptées.


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Etienne-Maurice Falconet (1716-1791), vers 1757 ; marbre ; H.91,5 cm, L.50 cm, Pr.62 cm ; inscription apocryphe sur le plinthe : FALCONET-FECIT DONNE AU MUSEE DU LOUVRE/PAR L ARCHITECTE AUGUSTE JOSEPH ROUGEVIN/NE A PARIS LE 4 JUIN 1831/ MORT A NAPLES LE 25 FEVRIER 1856 © Paris, musée du Louvre , département des Sculptures , RF 296 (Photo JMB)

Il ne peut être question du roi en son intérieur sans parler des soupers des cabinets. C’est « certainement l’apport le plus novateur de Louis XV à la vie de la cour. Offrant à des courtisans la possibilité de passer un moment de convivialité en sa compagnie et de lui faire leur cour dans d’exceptionnelles conditions de proximité » (catalogue). Ils ont pour cadre ce qu’il est coutume de nommer les intérieurs du roi. Leur origine est indissociable de la chasse, passe-temps favori du roi. Sont généralement présents une quinzaine de convives réunis plusieurs soirs par semaine. Le roi se montre alors plus détendu. « On se place à table, dans ces cabinets, au hasard, comme on se trouve, hors que le roi fait mettre à ses côtés qui il lui plaît, et, ordinairement, les plus anciens courtisans » (Journal du duc de Croÿ).

Faste de la table, tel que le montre les menus exposés. Souvent aquarellés, voire enluminés. Menus servis au roi par Héliot, écuyer ordinaire de la Bouche de madame la dauphine : un souper qui a lieu à Trianon le mercredi 21 février 1750. Menu soigneusement calligraphié. Service à la française. Succession des plats : grandes entrées ou rosbif ou aloyau…oilles (potée faite de diverses viandes et légumes variés)… potage… Suit une liste d’entrées ou hors d’œuvre : croquinette de gibier, petit pâtés du jour, filets de perdreaux, carré de mouton, et bien d’autres ! Le duc de Croÿ est présent et le relate dans ses mémoires dont les pages concernées sont exposées. Voyages du roy au château de Choisy avec logements de la Cour et menus de la table de Sa Majesté : le premier en date du 14 janvier 1751, le second du 21 avril 1757.

La vaisselle n’est pas en reste ! Est exposé, dans son intégralité (114 pièces), le Service Berkeley œuvre de l’orfèvre du roi, Jacques Roëttiers (1707-1784). Un service qui « n’est pas sans évoquer, par sa composition, ceux des tables des cabinets du roi » (catalogue). Sont également exposées des pièces de vaisselle appartenant à divers services de porcelaine. Une jatte à punch, un compotier carré, une assiette « à goderons » (ornements renflés ou en creux, placés aux bords de la vaisselle),… du Service à fond bleu céleste (entre 1753 et 1755) de la manufacture de Vincennes, commandé pour Versailles. L’ensemble est orné de fleurs, de fruits enrichis de dorure (frise de sequins ou épine de roses). Une soucoupe à pied, une paire de seau à verre échancrés, des assiettes du Service « camaïeu carmin » (entre 1756 et les années 1760) pour le château de Fontainebleau. Service caractérisé par des guirlandes de fleurs et une rosace centrale. Une paire d’assiettes du Service « lapis caillouté d’or » (1761) de la manufacture de Sèvres. Le fond bleu lapis était l’un des coloris favoris pour les services de table. Le centre de chaque assiette est occupé par un bouquet de fleurs. Une assiette et un sucrier du Service à fond vert : quatre cartels d’oiseaux dans un cartouche peint à l’or, le centre étant garni d’un bouquet de fleurs. Le sucrier ovale est orné de bouquets de fleurs sur un fond vert légèrement bleuté. Un plateau triangle (permet de présenter aux convives, les sorbets (ou neiges) déposés dans les tasses à glace) et l’une de ses tasses à glace du Service « enfants et mosaïques » (1768-1770). Une iconographie plus particulière : « des cartels peints avec des putti polychromes posés sur des nuages, des trophées ou attributs de l’Amour (…) un motif de treillage bleu, avec des pointes d’or, rehaussés de guirlandes de fleurs peints à l’or » (catalogue). Enfin, du Service « attributs et groseilles » (entre 1763 et 1773), des assiettes à potage, un compotier en coquille et une jatte ronde « lizonnée ». A l’intérieur de celle-ci, une grande couronne de fleurs. Sur les parois extérieures des trophées de musique et de chasse, des branches de groseilles uniquement peintes en or.

Une vitrine s’attache aux rapports du roi Très-Chrétien avec la religion. Souvent caractérisé comme libertin, c’est oublier qu’il fut profondément croyant, animé d’une foi, héritée de sa petite enfance, qui ne le quitta jamais. Et n’est-il pas l’oint de Dieu depuis son sacre ? La religion, l’un des ciments du royaume ? Religion présente dans tous les actes de sa vie, à commencer par la prière et la messe quotidiennes. Assiduité à la messe. Respect des préceptes telle l’observation du Carême. Cependant sa vie n’est pas en conformité avec cette foi sincère ! Aussi, estimant n’avoir pas un comportement approprié, il s’éloigne des sacrements, en particulier à Pâques. Cela pendant plus d’une trentaine d’années ! Néanmoins, après sa guérison (1744), il fait vœu de faire construire un monument en remerciement : l’église Sainte-Geneviève à Paris (actuel Panthéon), dont témoigne plus avant dans l’exposition, un tableau présentant la pose de la première pierre. Est exposée une œuvre de dévotion peinte par François Boucher (1750) à la demande de Mme de Pompadour pour la chapelle privée de son château de Bellevue (à Meudon) où elle recevait le roi : La Lumière du monde. Une iconographie atypique car ce n’est ni une Nativité, ni une Adoration des bergers comme pourrait le laisser croire le personnage vêtu de rouge sur la droite. Une lumière douce émane de l’enfant Jésus blotti dans les bras de Marie. Divers objets du culte sont également présentés dans la même vitrine. Ainsi qu’un maroquin vert aux armes royales à décor doré : L’Office de la semaine sainte, en latin et en français.

Soir du 5 janvier 1757. Attentat de Damiens (1715-1757). Celui-ci fend la haie des gardes, le chapeau sur la tête, frappe le roi et recule par la trouée qu'il a pratiquée. Louis XV croit d'abord à un coup de poing, puis trouve son côté ensanglanté. Il est blessé au côté droit, entre les 4e et 5e côtes. Les nombreuses couches de vêtements, notamment celles en soie et en velours (l'hiver est rigoureux), ont amorti le coup. L’arme du crime est un canif à deux lames rétractables de 8,1 cm. 15 janvier, des lettres patentes (décision royale exprimant la volonté du roi en tant que législateur, sous forme de lettre ouverte, scellée du grand sceau et contresignée par un secrétaire d'État) ordonnent qu’il soit jugé par la grande chambre du Parlement, dans la salle ordinaire des audiences criminelles. Une justice d’exception. Le chef d’accusation : régicide. La sentence : la mort, exécutée en place de Grève, le 28 mars, dans des conditions particulièrement atroces. Sont exposées des pièces de procédure (de nos jours, pièces à conviction) : un chapelet, un gant en peau, deux cols ou cravates, une lettre adressée par Damiens au roi et le sac la contenant lorsqu’elle a été apportée au roi. Mais aussi quatre couteaux saisis dans sa famille. Egalement des estampes qui prouvent la « médiatisation » de l’affaire !

Les passions du roi. Qui sont, pêle-mêle : livres, sciences (astronomie, botanique, horlogerie,…), chasse et course de traineaux, architecture.

Louis XV aime les livres, aime lire. Il fait aménager de nombreuses bibliothèques dans ses résidences. Il étonne par sa grande culture ! Sont présentés une vingtaine d’ouvrages (voir notre photo). Editions aux reliures somptueuses. Au centre, Grotesques et arabesques : Loggie di Rafaele nel Vaticano. Des planches exceptionnelles par leur format (113,7 cm de haut pour 51 cm de large). Pour mémoire, les Loges de Raphaël (ou Loges vaticanes) comprennent trois salles réparties sur autant d'étages au Vatican. Elles sont considérées comme l’exemple le plus abouti de l’art grotesque (motifs d'ornementation peints, dessinés ou sculptés reproduisant des sujets de caractères bizarres, XVIème siècle). En dessous, un petit livre : l’Almanach royal pour l’année 1752. Une publication ordinaire qui devient un livre-objet de luxe par sa reliure raffinée. Souvent, un présent fait par la famille royale au moment des étrennes. Sur la droite, en haut : Représentation des fêtes données par la ville de Strasbourg pour la convalescence du roi. C’est la première fois que la ville accueille un souverain depuis l’entrée solennelle de Louis XIV, le 24 octobre 1681.

Dans la même vitrine, deux exemples des tours du roi. « L’art de tourner, c’est-à-dire de sculpter une pièce en bois ou en ivoire mise en rotation sur une machine-outil appelée « tour » fut pour Louis XV un violon d’Ingres : dès l’âge de douze ans et tout au long de son règne, il s’adonna avec passion à cette manière si raffinée de se « désennuyer » et aménagea à Versailles des pièces prévues à cet effet » (catalogue). Sont exposés une Pendule en ivoire (vers 1770). L’ivoire est une véritable dentelle ! La cage de la pendule, surmontée d’un brûle-parfum, repose sur quatre pieds. Deux Ivoires tournés (1770/80) composés de deux socles cylindriques superposés, surmontés d’une boule à jours et terminées par une flèche. Ces pièces garnissaient les cabinets scientifiques ou les salles à manger, les bibliothèques, voire les pièces des bains.


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vitrine avec divers livres et les trois pièces tournées © exposition Louis XV. Passions d’un roi, Versailles (Photo JMB)

Louis XV aime les sciences. Non seulement comme protecteur de celles-ci, mais par goût personnel. Tout au long de son règne, il apprécie et cherche la compagnie des savants. Il se montre inlassablement curieux de nouvelles découvertes. La richesse des collections royales en apporte la preuve ! Son intérêt pour les sciences permet à la découverte de l’électricité de faire de grands pas. Un objet de divertissement voire de spectacle, qui va rapidement conduire à l’élaboration des premières théories scientifiques. En témoigne La machine électrostatique d’Edward Nairne (1726-1806). Il s’agit d’un cylindre en verre monté sur un axe (lui-même porté par des isolateurs en verre) pouvant être mis en rotation par une manivelle. Et fournir ainsi de l'électricité positive ou négative. Ou les Bouteilles de Leyde, l’ancêtre du condensateur.

Mai 1724, le roi assiste à une éclipse totale du soleil dans les jardins de Trianon. Le début d’une passion. Toute sa vie il encourage la recherche, les expéditions maritimes et les missions scientifiques. Deux globes mouvants terrestre et céleste du cabinet de physique du roi au château de La Muette (1759). L’œuvre résulte d’un travail collectif associant ingénieur, graveur, dessinateur horloger et bronzier. Ce sont, à la fois, des objets de luxe et des objets fonctionnels servant à l’apprentissage de l’astronomie. Des mécanismes d’horlogerie, dissimulés à l’intérieur, permettent la rotation sur elles-mêmes. Il est nécessaire de les remonter tous les huit jours. Ces sphères, en carton, plâtre et papier, sont jointives à l’équateur. Elles sont soutenues par un piètement en bronze doré. Un rarissime Microscope tripode (vers 1750) entré très récemment dans les collections de Versailles. Un objet de prestige ! Mariage d’une haute technologie et d’une élégance artistique. Microscope décrit sur les planches gravées par Nicolas Noël, dit Dom Noël (1712/13-1783) dans un ouvrage présentant les instruments d’optique de la collection royale, dont plusieurs pages sont exposées.


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Claude-Siméon Passement (1702-1769) ingénieur ; Joseph-Léonard Roque (maître en 1770) horloger ; Philippe Caffieri (1714-1774) bronzier ; Guillaume de La Haye (?) graveur et Gobin ( ?) dessinateur ; 1759 Globe mouvement terrestre ; Plâtre, carton, papier, bronze doré et métal ferreux ; H.75 cm, D. 64 cm © Paris, Bibliothèque de l’Observatoire de Paris, Inv.98 (Photo JMB)



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Claude-Siméon Passemant (1702-1769) ingénieur, attribué à Jacques(1678-1755) et Philippe Caffieri (1714-1774), sculpteurs et bronziers, exécuté sous la direction de Michel-Ferdinand d’Albert d’Ailly, duc de Chaulnes (1714-1769); Microscope tripode, Paris, vers 1750; bronze ciselé et doré, acier, acajou, galuchat vert, vélin vert doré aux petits fers,lentilles en verre et miroir concave; H.50,8 cm, L. de la base 28,2 cm © Versailles, musée national des châteaux de Versailles et Trianon, V.2021.42 (Photo JMB)

Optique, la science de prédilection du roi ? Une curiosité : le Portrait allégorique de Louis XV de Charles-Amédée Van Loo (1719-1795). Œuvre insolite s’il en est car il s’agit d’une peinture qu’on regarde avec un verre à facettes… aujourd’hui disparu. En quelque sorte, un tableau magique puisque le visage du roi n’apparait pas ! Le tableau, tel que nous le voyons, représente une allégorie des vertus d’un grand prince. Le catalogue précise qu’une reconstitution numérique a été réalisée à partir de la description de 1763. Au centre, sur un écusson blanc, est apparu le visage royal.

Une seconde pendule de Passemant : La Création du Monde (1754). Elle doit « son nom à son iconographie, tirée du récit biblique des premiers moments de la Création : la séparation des éléments, l’irruption de la lumière et la terre émergeant du chaos » (catalogue). Les quatre éléments se différencient par la façon dont est traité le bronze : patiné pour la terre, argenté et bruni pour l’eau, argenté mat pour l’air et doré argenté pour le feu. Des mécanismes coordonnés animent les différentes parties. Elle est posée sur une monumentale table sculptée datant du milieu du XIXème siècle.

Serres et jardins royaux abritent une collection de plantes exotiques. La collection des vélins (peau de veau ou de mouton mort-né préparée pour l'écriture, la peinture, etc., plus lisse et plus fine que le parchemin ordinaire) du roi est un témoignage exceptionnel de l’intérêt du roi pour la botanique. Ces vélins sont rassemblés par famille de plantes et d’animaux. La collection s’accroit, sous le règne de Louis XV, grâce à deux artistes, Claude Aubriet (1651 ? 1665 ?-1742) et Madeleine Basseporte (1701-1780), logés au Jardin des Plantes. Une magnifique illustration scientifique où la beauté des dessins va de pair avec leur unité stylistique. Ils sont représentés seuls, d’après nature, dans un encadrement doré. Précision de l’origine des spécimens dessinés. Hibiscus aux fleurs jaunes (Inde)… Amaryllis rouge (Amérique méridionale)… Bromélia (Amérique centrale ou du sud)… Agapanthe… Vanille… Solanum melongena ou aubergine… Goyavier-pomme… et bien d’autres ! Sans oublier l’Ananas dans un pot (1733) de Jean-Baptiste Oudry (1686-1755). Il est représentatif de l’engouement que connait ce fruit au XVIIIème siècle. Il est ici… monumental ! Son acclimatation se fait à Choisy (où le roi fait construire des serres chaudes afin de le cultiver) puis à Trianon. Trianon dont nous admirons un plan gravé où une partie du jardin d’ornement (nord et est) est destiné à accueillir les collections botaniques du roi. Un jardin expérimental confié au jardinier Claude Richard (1705-1784). Un jardin botanique où vanilliers et cacaoyers sont à l’honneur.

Chasses et courses de traineaux, « deux exercices violents » (Hélène Delalex). La chasse n’est pas un simple divertissement. Le roi l’apprécie pour son aspect technique. Chasse à courre et chasse au tir. Au minimum trois jours par semaine, parfois quotidiennement, depuis sa première chasse, au printemps 1721, jusqu’à la dernière, treize jours avant sa mort. De nombreux décors, pour ses appartements, en témoignent. Scènes de chasse, bien sûr. Mais aussi portraits de ses chiens préférés (voir notre chronique Les Animaux du Roi du 29 janvier 2022), cartes de ses domaines et forêts. Sans oublier le cycle des Chasses exotiques de la Galerie éponyme, à Versailles. Les peintres les plus fameux y ont mêlé leurs pinceaux. Huit tableaux exposés dans un couloir (à l’image d’une galerie) offrent « une illustration spectaculaire et éclatante de la prédilection du roi pour les peintures cynégétiques et de sa curiosité à l’égard des animaux rares » (dossier de presse). Sont représentés la chasse du crocodile, de l’éléphant, du taureau sauvage, du tigre, du léopard, du lion, de l’autruche, de l’ours. Un neuvième se démarque par la présence de plusieurs animaux de races distinctes, La Chasse chinoise. Deux autres œuvres, spectaculaires (276 x 228 cm), commandées pour la salle à manger de Choisy : Un lion d’Afrique combattu par les dogues et Un ours de Pologne arrêté par les chiens de forte race. Tous deux datés de 1757 et peints par Jean-Jacques Bachelier (1724-1806). Aucune présence humaine. Simplification extrême du paysage. Le combat d’un animal féroce (au centre du tableau) et de plusieurs chiens, impitoyables carnassiers.

Le souverain cherchait également les sensations fortes que donne la vitesse lors des courses de traineau organisées à Versailles lorsque l’hiver est rigoureux. Regrettons que cette passion royale ne soit pas documentée dans l’exposition. De même, aucune mention des « petits jeux » auxquels le souverain s’adonnait plus ou moins régulièrement, souvent à l’occasion des soupers de retour de chasse. Parties de billard, parties de cartes (brelan, ombre, piquet ou quadrille, pharaon),…

Les goûts artistiques du souverain nous incitent à évoquer son rapport à l’architecture. Une passion personnelle mais également héréditaire. Louis XV allait suivre le chemin de son arrière-grand-père devenant « un bâtisseur effréné, se faisant même apporter à manger, au milieu des ouvriers, sur le chantier de Bellevue, afin d’en stimuler l’ardeur des maçons » (catalogue). Le duc de Croÿ d’écrire dans son journal que « le roi aimait beaucoup les plans et les bâtiments. Il me mena dans son joli pavillon des jardins de Trianon (… et) commanda à M. Gabriel de me donner deux plans qu’ils avaient faits ensemble dans le même goût ». Une passion dont témoignent les transformations (Compiègne, Fontainebleau ou le Grand Trianon) voire les reconstructions des maisons royales. Sans oublier la construction du Petit Trianon, de l’Ecole Militaire à Paris, de l’Hôtel-Dieu de Lyon ou des Salines d’Arc-et-Senans. De même, la création de places royales, tant à Paris qu’en province. En 1731, il crée l’Académie royale de chirurgie dont le tableau d’Hubert Robert (1733-1808) illustre la construction. En 1747, il crée l’Ecole royale des Ponts-et-Chaussées.

Sept planches pour les Monuments érigés en France à la gloire de Louis XV. Pierre Patte (1723-1814) est à l’origine des eaux-fortes extraites de son ouvrage. Elles concernent Paris. Mais aussi Bordeaux, Rennes, Rouen, Valenciennes, Rheims voir Nanci (deux orthographes d’origine). Quant aux places royales, elles sont ordonnancées autour de la statue du roi, tradition louis-quatorzième oblige ! L’exposition réunit, pour la première fois, l’ensemble des réductions de ces statues. Nous pouvons admirer Louis XV porté sur un pavois par trois soldats : présenté en cuirasse française, élevé sur un bouclier à la manière des anciens Francs. Louis XV et Hygie (déesse de la santé). Plusieurs statues équestres.

Juin 1748. Edme Bouchardon (1698-1762) reçoit commande du roi pour une statue équestre, selon un souhait du prévôt des marchands et des échevins de la ville de Paris. Sont exposés un ensemble de dessins préparatoires : de très belles feuilles à la sanguine. Différentes études de chevaux, des écorchés (illustration anatomique représentant le corps d’un être vivant, dépouillé de sa peau et des tissus graisseux pour faire apparaître les parties internes). Cette anatomie artistique s’intéresse ici à la morphologie des muscles, des veines et des articulations du cheval. Ce dernier est représenté debout et tête tournée vers la gauche ou tête vue de face. Bouchardon travaille avec un modèle d’abord nu monté à cru puis un modèle vêtu sur un cheval harnaché. Cette statue est dessinée, grandeur nature, sur un des murs de la salle. L’impressionnante main en bronze est le seul vestige de la statue. Hormis la réduction exposée. Les dimensions de cette main (H. 24,2cm ; L. 19,4 cm ; Pr. 30cm) laissent préjuger de l’ensemble puisque la statue équestre mesurait 5,20 mètres de haut (sur un socle de 6,80 m).


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vitrine avec réductions de statues royales ; en arrière-plan, le dessin mural de la statue parisienne avec l’emplacement de la main © exposition Louis XV. Passions d’un roi, Versailles (Photo JMB)

Louis XV et les arts de son temps.

Artistiquement parlant, ce long règne (cinquante-neuf ans) est souvent réduit au style rocaille. Ce qui est réducteur ! Il est vrai qu’un renouvellement complet des formes voit le jour. « Une version extrême d’un mouvement de fond, né sous le règne de Louis XIV autour de l’arabesque (…) Son module de base est une forme de C, une volute concave dotée d’une épaisseur propre » (catalogue). Ce module de base est soit une coquille, soit un arc-boutant, soit un cadre chantourné. Parfois un dragon ou des motifs exotiques. Au demeurant, la courbe prédomine ! Ces lignes serpentines, ces spirales et arabesques, ces volutes apportent légèreté, gaité. Et participent au rayonnement de la France, comme c’est le cas pour cet ensemble de vases de Meissen : Garniture de vases représentant les Quatre Eléments commandés (1742) par le prince électeur de Saxe et roi de Pologne, Auguste III (1696-1763), qui voulait les offrir au roi, en gage d’amitié. L’or blanc de Saxe, issu de la fabrique de Meissen, connut son heure de gloire à la cour de France… jusqu’à ce que la manufacture de Sèvres soit en mesure de rivaliser ! De même la manufacture de Vincennes « spécialisée » dans les fleurs en pâte tendre. Une imposante Paire de girandoles à trois branches avec des coqs (1745/49). Les coqs participent à la vogue de la porcelaine de Chine (ici blanche) mise au goût du jour par les marchands-merciers parisiens (voir notre chronique La Fabrique du luxe du 7 décembre 2018). Pendule et paire de chandeliers (vers 1760/70) : une composition en porcelaine avec figurines de Meissen et fleurs de Vincennes. Légèreté, élégance. Tons colorés et formes asymétriques. Sur la gauche de la pendule, Vénus sort d’un nautile (mollusque céphalopode, à coquille en spirale), accompagnée de cupidons et de cygnes. Pendule à orgue au concert de singes (vers 1755/60). « Au-dessus d’une boîte à musique, plus tardive (…) trois terrasses de bronze doré supportant une pendule auréolée d’une couronne de fleurs probablement en porcelaine de Vincennes. Sur les terrasses, seize figurines de singes en porcelaine de Saxe constituent un orchestre » (catalogue).


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Jean Moisy (1714-1782) horloger ; attribuée à Jean-Claude Chambellan-Duplessis (vers 1690/95-1774), bronzier ; vers 1755-1760, Pendule à orgue au concert de singe, Porcelaine de Saxe, porcelaine de Vincennes, bronze doré, acier ; H.130 cm, L.85 cm, P.46cm © Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, inv. ODUT1790 (A) (Photo JMB)

Diverses estampes pour des projets de lambris, de coins de cadre sculptés. De calèches, chaises à porteur ou carrosses ! Bien évidemment, de candélabres et bras de lumière. Une eau-forte : les Girandoles d’or de Louis XV commandées à l’orfèvre Thomas Germain (1714-177) « sous la forme d’un plateau chantourné d’où émergeait un arbre stylisé s’épanouissant en cinq branches qui servaient de support aux bougies. Quatre amours batifolant animaient la composition » (catalogue).

Les Caffieri réalisent (vers 1750/55) une Paire de Lustres à neuf bras de lumière, aux armes de Mme de Pompadour (trois tours crénelées). L’un des deux est exposé. En bronze ciselé et doré d’une séduisante virtuosité. Tout comme le Cartel à la source (1752) de l’horloger Pierre-François Gille (1690-1765). Le cartel est l’ornement qui entoure le cadran de certaines pendules faites pour être appliquées au mur dans un appartement. « Sa décoration asymétrique emprunte tous les éléments du répertoire ; conques, rochers, troncs d’arbres et feuillages de chêne, guirlandes de fleurs, crosses moulées autour du cadran émaillé » (catalogue). Deux Feu aux divinités, chenets de petite taille en bronze doré (vers 1750).

Un service de toilette, Bassin à raser et aiguière (1752/53) d’Antoine-Sébastien Durand (1712-1787) commandé par le roi du Portugal Joseph Ier (1714-1777). Travail de gravure et ciselure minutieux sur le thème de la vie aquatique. Remarquons le triton, s’échappant d’un bouquet de joncs, qui sert d’anse à l’aiguière. Le fond du bassin : une scène de chasse sur les rives d’un lac entouré de joncs.

Tapisseries, tentures, tapis, meubles ne sont pas en reste. La manufacture des Gobelins et celle de La Savonnerie connaissent, sous le règne de Louis XV, un indiscutable apogée. Tant au niveau des modèles que de leur exécution. Lorsqu’ils honorent les commandes royales, les grands artistes de l’époque participent à ce succès. Et accrochée une tapisserie en laine et soie, Le curé et Cardénio rencontrent Dorothée habillées en berger, ou La Dorothée ; Don Quichotte et Sancho, montés sur un cheval de bois, s’imaginant traverser les airs pour aller venger Doloride, ou Le Chevillard (tissage 1768-1773). Charles-Antoine Coypel compose les scènes centrales, à la manière d’un tableau. Le reste de l’espace est occupé par un large alentour ornemental (guirlandes de fleurs, bouquets, emblèmes, animaux). Ainsi la bordure devient aussi importante que la scène narrative. Ici le fond cramoisi imite l’aspect du damas. Deux brocarts royaux, éléments de tenture (1731/33). Brocarts (riche tissu de soie rehaussé de dessins brochés en fils d'or et d'argent) en lampas dans les tons cramoisis, aux motifs végétaux d’or et d’argent.

De la Savonnerie, un immense Tapis (tissage 1753-1757) destiné à la chambre de la Dauphine Marie-Josèphe de Saxe, à Versailles. Immense, sans conteste : 953 cm de large pour 891 cm de long. Réalisé au point noué, laine et velours pour le fil de chaîne, lin pour le fil de trame. Une rosace en son centre. Des cartouches au trophée de la Guerre, de la Paix, des Arts et des Sciences placés aux quatre angles. Sur ce tapis, une Commode de la chambre de Louis XV à Versailles (qui revient pour la première fois au château après un vaste programme de restauration). Elle est le fruit de la collaboration de trois artistes déjà rencontrés durant notre visite. Bâti de chêne. Placage de bois de violette, de cèdre. Décors plaqués en bronze doré. Façade à deux arches. Plateau en marbre serpentin vert. « Elle est dotée de petits placards latéraux servant probablement aux barbiers du roi à entreposer leur matériel » (dossier de presse). Une grande Commode réalisée pour le mariage du Dauphin avec l’infante d’Espagne, en 1745. Commode galbée à deux tiroirs, plaquée de panneaux de laque noire du Japon rehaussée de bronze ciselé et doré. Un décor de paysages avec pagodes, oiseaux et animaux. Et encadrements de branchages fleuris. Une Table à écrire (1746) à tablette coulissante offrant ainsi une seconde fonctionnalité, celle de table à lire grâce à son pupitre inclinable. Un meuble raffiné à la marqueterie (bois de violette et bois de rose) composée de motifs floraux. Pour la nouvelle chambre de Mme de Pompadour à Choisy, un Secrétaire en pente (1755) également en laque à décor de figures (oies), de fleurs et de feuillages.


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Antoine-Robert Gaudreaus (vers 1682-1746) et Jacques Caffieri (1678-1755) Commode de la chambre de Louis XV, 1739, bâti de chêne, placage de bois de violette et férole, tiroirs et placards en acajou (?), intérieur garni de lin rouge, bronze doré, charnière en laiton doré, serrures en laiton, plateau en marbre serpentin vert; H.88,8 cm, L.195,5 cm, Pr 80,6 cm © avec l’aimable autorisation des Trustees de la Wallace Collection, Londres, inv.F86 (photo JMB)

A nouveau une curiosité. Une Commode à décor de plaques de porcelaine (1772) destinée à la comtesse du Barry. « Témoignage le plus spectaculaire de la pratique de l’inclusion de plaques de porcelaine dans le décor d’œuvres d’ébénisterie » (catalogue). Trois plaques en façade reprenant des compositions peintes d’après Jean-Baptiste Pater, L’agréable Société (au centre), entourées par la Conversation galante (à droite) et une Tendre chansonnette (à gauche) de Nicolas Lancret. Une ultime création du règne (1774) témoigne de l’adoption de ce qu’il est convenu d’appeler le néoclassicisme : un Secrétaire à abattant. Motif de cœurs et losanges entrelacés se répartissant « en un grand carré au niveau de l’abattant et en rectangles verticaux sur les deux vantaux inférieurs et les côtés » (catalogue).


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Manufacture royale de porcelaine de Sèvres ; Martin Carlin (vers 1730-1785) et Charles-Nicolas Daudin (1734-1803) ; 1765 (plaques de porcelaine), 1772 (livraison), Commode à décor de plaques de porcelaine, bâti de chêne, placage de poirier, bois de rose et amarante ; porcelaine tendre ; bronze doré, marbre blanc ; glace de miroir ; H.82,5 cm, L.119 cm, Pr.48 cm © Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, OA 11293 (Photo JMB)

Au sortir de la salle, une vitrine expose plusieurs boîtes et tabatières. Rien ne semble distinguer l’une de l’autre. La tabatière est un objet de luxe que toute personne de qualité se doit d’avoir sur elle. La boîte à portrait est destinée à servir de cadeau. Toutes deux sont richement décorées. Certaines sont uniquement en or. D’autres associent des figures ciselées comme celle présentée, associant petits diamants et émeraudes. D’autres sont émaillées, l’émail formant alors un tableau couvrant la surface de la tabatière. La dernière est ornée d’un portrait de Louis XV d’après Van Loo. Boîte émaillée à fond vert et bordure en or. Une série de vingt médailles conclut l’exposition. Médailles remémorant divers événements royaux : portraits, sacre, mariage, festivités pour la naissance du dauphin mais aussi la Compagnie des Indes ou la réunion de la Corse à la France, l’inauguration de places royales,…


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Pierre-François Drais (1728-après 1788), 1768-1769 ; Tabatière, or, émail et cristal ; H.3,6 cm, L.8,8 cm, l.6,4 cm © Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, OA, 6783 (Photo JMB)

Fin avril 1774, le roi est pris de fièvre. Il quitte Trianon pour Versailles. La variole se déclare. Le 10 mai, en milieu d’après-midi, le roi meurt. Le 1er août 1793, la Convention nationale décrète la destruction des tombeaux et l’exhumation des corps des « ci-devant rois ». Alexandre-Marie Lenoir (1761-1839), administrateur du musée des Monuments français, se rend à la basilique de Saint-Denis et… consigne la liste des cercueils ainsi que leur contenu, dessine les cadavres au moment de l’exhumation. Est exposé le folio n° 16 de son album : les restes de Louis XV. Un corps encore entouré de ses bandelettes. Une tête émaciée. Retiré du cercueil, il est jeté dans la fosse commune et recouvert, immédiatement, de chaux vive.


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Alexandre-Marie Lenoir (1761-1839), 1793, folio n° 16 d’un album composé de 134 folios (album Lenoir Alexandre 4) ; plume et encre brune, aquarelle et mine de plomb ; H.52,4 cm, L.40,5 cm ; annoté et signé sur le montage : Louis XV dessiné d’après nature au moment de son exhumation qui eut lieu le 16 8bre 1793 /Par Lenoir © Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, RF 5282.16, recto (Photo JMB)

Petit retour en arrière dans la dernière salle visitée. Une création, que nous pouvons qualifier de spectaculaire, surprend, intrigue les visiteurs et... les éblouit. Une création contemporaine : Après nous, le déluge. Sorte de réflexion sur la postérité, symbolique, du règne de Louis XV. Une installation monumentale créée par le collectif (artistes et artisans) Lignereux. Héritier du marchand-mercier créateur d’objets d’art, Martin-Eloy Lignereux (1751-1809) qui tenait boutique tant à Paris qu’à Londres. En 2016, Gonzague Mézin fait revivre ce savoir-faire. Une œuvre faite de bronze doré, de porcelaine (à glaçure aubergine) et de miroirs. Les vases montés, qui faisaient fureur au XVIIIème siècle, sont revisités en déclinant un motif également très prisé : le bambou. Vingt fontaines sculptées se reflètent chacune, à la fois, au sol et au mur « dans des parterres de miroirs inspirés du bassin de Neptune » (dossier de presse). Au sol, des bonnets phrygiens et les premiers mots de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Comme une annonce de la Révolution qui va bientôt bouleverser le royaume millénaire.


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Gonzague Mézin, créateur d’objets rares ; Art Plinths, atelier de menuisiers ; Fonderie de Coubertin, ateliers de fondeurs et bronziers d’art ; Façons mécaniques, atelier de tourneurs sur métaux ; Tania Gomez, céramiste ; Solyfonte, atelier de fondeurs et bronziers d’art ; Silv’or, atelier des doreurs et brunisseurs sur métaux ; Thierry Toutin, monteur, Ursae, orfèvres ; 2019-2022 ; Après nous, le déluge, porcelaine de Limoges à glaçures aubergine, bronze doré, fils d’acier, monofilament de Teklon Gold, bois, laiton verni et miroirs ; H.320cm, L.600cm, Pr.250cm © Suisse, collection particulière (Photo JMB)

Le tricentenaire du sacre de Louis XV a inspiré cette exposition qui explore la personne du roi. Ce n’est ni le gouvernant, ni le chef des armées qui nous est présenté. Mais l’homme et ses passions. Un homme qui n’apprécie pas la constante représentation publique qu’aimait tant son aïeul, préférant se retirer dans ses cabinets privés. Un Louis timide, voire impénétrable aux dires de ses courtisans. Un homme séduisant, élégant. Regrettons, au passage, que le pastel préparatoire de Maurice-Quentin de La Tour (1704-1788) ne soit pas présent au sein de l’exposition. Un homme cultivé. Un homme de goût. Mais doutant toujours de ses capacités : « voyant plus juste que les autres, il croyait toujours avoir tort » selon le propos du duc de Croÿ. Un homme vivant dans un perpétuel ennui. Un homme mélancolique. Celui qui fut surnommé le « Bien-Aimé » au début de son règne mais qui finit par être le « Mal-Aimé » tant il était impopulaire à sa mort! Les défaites de la Guerre de Sept Ans (1756-1763) et l’image de roi d’alcôve participent de cette impopularité. Bien qu’il ait laissé une France prospère, un état puissant au sein de l’Europe.

La scénographie met en valeur l’ensemble des objets exposés. Sur une tonalité picturale qui évolue entre différents tons de bleu, de rose voire de jaune. Un (très lourd !) catalogue qui est une mine d’explications des œuvres présentées. Sans oublier les analyses du contexte historique. Comme habituellement, il est complété par un livret-jeu (pour les six/douze ans) réalisé en partenariat avec la maison d’édition Quelle Histoire. Une exposition réunissant des œuvres venues du monde entier dont certaines n’avaient jamais été présentées au public. « Il ne s’agit pas de livrer un panorama des arts sous Louis XV. Les œuvres et objets d’arts sont ici la matérialisation du temps, de l’atmosphère, des sentiments et des idées qui composèrent la vie du monarque » (Laurent Salomé, introduction du catalogue).



Publié le 28 janv. 2023 par Jeanne-Marie BOESCH